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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

cipes diffèrent les uns des autres ; c’est ainsi que la matière diffère de la forme ; c’est aussi de semblable façon que la matière des corps célestes diffère par elle-même de la matière des éléments ; la matière céleste et la matière élémentaire appartiennent à des genres differents, de même que la quantité et la qualité appartiennent à des genres différents.

« Au contraire, les choses postérieures aux principes sont composées ; elles diffèrent entre elles parleurs composants ; les choses mêmes qui sont simples, mais engagées en des composés, comme le sont les diverses matières qui se trouvent en des substances différentes composées [de matière et de forme] diffèrent les unes des autres par les diverses formes qui leur sont adjointes en ces substances composées, et elles diffèrent d’autant plus que les formes ajoutées sont, elles-mêmes, plus différentes les unes des autres ».

Telle est la première des réponses qu’on peut faire à l’argument de Gilles ; mais à cet argument, Henri porte un antre coup qui l’atteint dans ce qui en est le fondement même, dans cette proposition : « La matière première n’est rien qu’un être en puissance ». Non, répond Henri, « bien que la matière ne possède pas cet acte qu’est la forme, clic a cependant cet acte qui constitue son essence et son existence. Elle est un effet de Dieu et n’est pas un pur néant ; elle est quelque chose qui a essence et existence, bien que ce ne soit ni l’essence ni l’existence de la forme ; elle est apte, d’ailleurs, en sus de l’acte qui constitue son existence, à recevoir cet autre acte qu’est la forme, donnant ainsi la substance composée [de matière et de forme] ».

Cette réponse est tirée de l’une des doctrines essentielles d’Henri, de celle par laquelle il attribue à la matière première une certaine actualité, une certaine capacité d’exister indépendamment de toute forme.


F. L’actualité de la matière première.


Dès le début de ses discussions quodlibétiques, Henri de Gand est amené à formuler cotte affirmation

« D une manière naturelle, la matière ne peut jamais être séparée et dépouillée de toute forme ; car un agent ne corrompt point une forme en la matière sinon parce qu’il y engendre une

1. Henrici a Gandavo Quodlibeta ; quodlib. I, quæst IV ; Utrum corpus Christi in sepulchro habuît aliquam fornism substautialem qua informabatur anima ejus ab ipso separata.Ed. cit., fol. III, recto.