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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

subsistance de l’autre, car l’un d’eux pourrait subsister sans l’autre. Ils diffèrent donc simplement l’un de l’autre par ceci que l’un d’eux n’est pas l’autre. La nature de l’espèce ou de l’essence angélique est dédoublée par ce qui constitue la subsistance ou l’existence on acte, car cela est différent en l’un et en l’autre de ces anges, et cela est conçu comme extérieur à l’essence qui leur est commune.

» Le continu est, en soi, divisible en parties quantitatives qu’il contient en lui-même, virtuellement, non séparées les unes des autres ; ce qui le subdivise en ces parties, c’est seulement ce qui sépare ces parties les unes des autres ; en cette séparation, chacune de ccs parties reçoit en sa perfection ce qui constitue le continu ; mais elle no reçoit que d’une manière imparfaite la grandeur (quantitas molis) de ce continu. De meme, l’essence spécifique de l’ange est, de soi, divisible en parties essentielles qu elle contient en elle-même, virtuellement et à l’état d’indivision ; ce qui la subdivise en ccs parties, c’est tout simplement qu elles se trouvent séparées l’une de l’autre par leur subsistance actuelle ; en cette séparation, chacune d’elles reçoit d’une manière parfaite ce qui constitue l’essence ; mais, de cette essence, elle ne reçoit la force (quantitas virtutis) que d’une manière imparfaite ; en chacun des individus, en effet, l’essence n’est plus à la manière d’une essence absolue et divisible ; on chacun d’eux, il n’y a plus qu’un fragment (decisio), désormais indivisible, de cette essence[1]. »

Dans sa théorie de l’essence et de l’existence, Henri de Gand a

1. Les condamnations portées par Etienne Tempier contraignaient, pour ainsi dire, les théologiens de Paris, à recevoir cette théorie d Henri de Gand louchant l’individuation des substances angéliques ; mais ils la recevaient de mauvaise grâce et s’efforçaient de garder, dans la mesure du possible, la proposition de Saint Thomas d’Aquin. « Comme on a condamné cet article : Il ne peut exister plusieurs anges de même espèce, écrit Henri de Gand, au plus tôt en 1287, certaines personnes cherchent à éviter cette sentence de condamnation. Elles admettent que l’essence angélique peut se trouver multipliée eu plusieurs individus parce que l’existence la détermine en divers sujets… Elles disent donc que l’essence ou la forme spécifique angélique, prise en elle-même, peut descendre en plusieurs sujets. Mais si l’on considère ce que requiert la perfection de l’espèce, elle ne peut descendre qu’en un seul sujet ». Henri de Gand consacre une de ces discussions à fermer ce faux fuyant [Henrici a Gaxdavo Quodlibeta ; quodlib. XI, quæst. I : Utrum Deus possit facerc sub una specie specialissima angeli aliquem alium angelum æqualem in natura et essentia speciei angelo iam facto sub ilia. Ed. cit-, fol. CCCCXIX, recto],

La doctrine combattue par Henri de Gand est celle que Gilles de Rome soutenait à la même époque. C’est à ce propos qu’il disait de la condamnation portée contre la thèse de Saint Thomas d’Aquin : « Vellemus autem quod matariori consilio articuli tilt ordinati essent et ad hue forte de eis in posterum hubebuur constlium sanius ; ad præsens autem quantum possumus et ut possumus articulant sustinemus. » (Ægidii Romani Quodlibeta ; quodlib. II, quæst. VII : Urum Deus possit facere plures ange Los in una specie).

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