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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

par essence et non par participation ; seul, cet être a, par lui-même, une existence exempte de toute non-existence.

» La seconde opinion est la suivante : non seulement la créature tient d’autrui son existence, mais encore elle la reçoit de telle sorte que, ce qu elle a par elle-même et par sa propre nature, c’est la non-existence.

» Mais en cet avis se présente une nouvelle divergence entre certains philosophes et les fidèles.

» Avoir de soi la non-existence peut, en effet, s’entendre en deux sens différents. Cela s’entend, d’une première manière, au point de vue de la seule intelligence, en ce sens que la non-existence de la créature est conçue comme précédant l’existence. Cela s’entend, d’une seconde manière, au point de vue de la réalité, en ce sens que, dans la durée, la créature a été non-existante avant de recevoir d’autrui l’existence.

» C’est de la première manière qu’au gré de certains philosophes, la créature avait la non-existence avant l’existence. Selon cette opinion, c est seulement dans l’intelligence, et nullement dans la réalité, que la non-existence de la créature peut en précéder l’existence. Recevoir d’autrui, de cotte façon-là, l’existence apres la non-existence, c’est ce qu’Avicenne nommait création…

» C’est, au contraire, de la seconde manière que les catholiques entendent cette proposition : Toute créature possède l’existence après la non-existence. Ce n’est pas seulement dans l’intelligence, mais encore dans la durée, que la créature peut avoir la nonexistence avant l’existence. »

« Nous devons donc concevoir de la manière suivante la participation d’une créature à l’existence[1] :

» L’essence même de la créature est une abstraction, formée par l’intelligence, qui est indifférente à l’essence et à la non-existence. Par elle-même, elle est un non-être ; mais elle a, en Dieu, un modèle formel (formalis idea, par l’intermédiaire duquel elle est, en Dieu, un certain être, avant de devenir un être en sa propre nature…

» Cette essence devient un être en acte lorsque Dieu, par sa puissance, la fait à la ressemblance de l’idée formelle qu’il possède en lui-même. Si l’on dit que la créature participe à l’existence, c’est parce qu’il y a en elle une certaine ressemblance avec Dieu ; cette ressemblance est effectivement exprimée par l’être pur qu’est i.

1. Henri ci a Gandavo Quodlibeta ; quodlib. 1, quæst. IX ; ed. cit., loi. VI, verso.

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