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HENRI DE GAND

mais en vertu, d’une participation extrinsèque, en sorte que l’existence se comporte à la façon d’un accident qui surviendrait à l’essence. »

« L’existence, dit en effet Henri de Gand[1], ne superpose rien d’absolu ni de réel à l’essence de la créature… Cette existence ne peut être ni un accident ni une substance, que cette substance soit matière, forme ou composé… Avicenne tient pour l’opinion contraire… et Simplicius, dans son écrit Sur les catégories, tient le même langage qu’Avicenne… De même, Algazel, dans sa Logique, dit expressément que l’existence est un accident de l’essence ; et Avicenne veut que l’existence advienne accidentellement (accidat) à l’essence… Averroès, lui aussi, au cinquième livre de la Métaphysique, dit que cette existence appartient à la catégorie de l’accident, tandis que l’essence appartient à la catégorie du genre… Il faut donc admettre que l’existence n’est point quelque chose d’absolu qui soit ajouté à l’essence de la créature et qui lui devienne inhérent par création, — comme la forme est inhérente à la matière par génération. »

Thomas d’Aquin, lui aussi, avait tenu un langage conforme à celui d’Avicenne ou d’Al-Gazâli ; entre l’essence et l’existence, il avait posé une distinction analogue à celle qui existe entre la substance et l’accident ou encore entre la matière et la forme. Henri de Gand, tout en repoussant cette partie de la doctrine du Doctor commuais, va, par ses propositions, rejoindre une autre partie de cette doctrine.

Dans notre esprit, l’essence peut être conçue comme privée d’existence, comme associée à la non-existence ; hors de notre esprit, pareille association serait une absurdité. C’est là ce qu’Henri de Gand entend affirmer en disant que la distinction entre l’essence et l’existence est une distinction d’intention. Lorsque Saint Thomas d’Aquin ne reconnaissait à l’essence que « deux manières d’être, l’une dans les êtres singuliers, l’autre en l’âme », ne disait-il pas la même chose ? Sur la valeur de la distinction entre l’essence et l’existence, ces deux docteurs ne pensaient-ils pas exactement de même façon ?

Cette ressemblance du langage d’Henri de Gand avec le langage de Thomas d’Aquin se marque mieux encore en cet autre passage[2] :

j. Henhici a Gandavo Op. iaud, quodlib. X, quæst. VII ; éd. cil, , fol. CCCQXVI, verso et fol. CCCCXVI1, recto.

2. Henri ci a Gandavo Quoiliibeta’, quodlib. I, quæst. IX ; éd. cit., fol. II, recto.

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