Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée
135
HENRI DE GAND

dle l’essence de la créature. Elle n’en diffère pas non plus au seul point de vue de la raison… Elle en diffère par l’intention. Si vero loquamur de secundo esse creatttræ, illud. licet non differat re ab essentia creaturæ, non tamen differt ab illa sola ratione… ; sed etiam differt ab ilia intentione. »

« Mais, direz-vous, je ne comprends pas comment différer par l’intention est autre chose que différer au seul point de vue de la raison. Je m’explique, afin que vous compreniez[1]. »

Henri de Gand cite alors ces trois exemples :

Le raisonnable et le blanc diffèrent entre eux ;

L’animal et le raisonnable diffèrent entre eux ;

L’animal raisonnable et l’homme diffèrent entre eux.

Puis il analyse les caractères de ces trois différences.

La dernière, c’est la différence qui existe seulement en la raison, la différence entre la définition et le défini ; l’homme ne peut pas être associé à l’opposé de l’animal raisonnable ni l’animal raisonnable à l’opposé de l’homme ; cette différence n’est aucunement celle par laquelle on dissocie les deux parties d’un composé ; il n’y a pas de composé qui soit formé par l’animal raisonnable et l’homme.

La première différence, au contraire, est le type d’une différence réelle ; un être raisonnable peut être noir et un être blanc peut être déraisonnable, en sorte que chacun des deux termes peut se trouver associé à l’opposé de l’autre ; ils peuvent s’associer entre eux par composition, donnant ainsi ce composé qu’est un être raisonnable blanc.

Entre ces deux différences, nous trouvons celle de l’animal et du raisonnable qui présente des caractères intermédiaires ; entre les deux termes, il peut y avoir formation d’un composé, l’animal raisonnable ; l’animal peut ne pas être raisonnable, en sorte que le premier des deux termes peut être associé à l’oppose du second ; mais la raison ne peut se trouver ailleurs qu’en un être animé, en sorte que le second terme ne peut être associé à l’opposé du premier. Une différence de cette sorte, plus forte que la différence établie seulement par la raison, moins forte que la différence réelle, c’est ce qu’Henri de Gand nomme différence d’intention.

« Baptisons donc cette sorte intermédiaire de différence et donnons-lui un nom ; si l’on trouve qu’il n’est pas convenable de l’appeler différence d’intention, parce que différer d’intention est

1. Henrici a Gandavo Quodlibeta ; quodlib. Xum, quæsl. VII : Uirum ponens essenliam creaturæ esse idem re cum suo esse potest salvare cre&tionem. Ed. cit., foL CCCCXV1I, verso, et foL CCCCXV1II, recto.

  1. 1