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HENRI DE GAND

Ici, sans doute, Henri de Gand se souvient que le conseil de théologiens dont il faisait partie et que présidait Étienne Tempier a condamné cette proposition[1] :

« C’est par sa seule volonté que l’Intelligence meut le ciel. » Notre théologien poursuit donc en ces termes :

« Ce qui n’appartient qu’à Dieu seul, c’est de pouvoir, par sa seule volonté, produire les choses qui sont hors de lui et faire en elles toutes les actions qu’elles éprouvent de sa part. Il n’en est nullement de même des anges ni des hommes ; de ce qu’ils veulent une chose, il n’en résulte pas qu’elle soit aussitôt faite Outre la volonté, il faut qu’il y ait en eux une autre force, postérieure elle aussi à la connaissance, capable de mouvoir d’une manière prochaine et qui, par l’effet de la volonté, puisse produire une œuvre qui lui soit extérieure.

» J’arrive donc à la question posée et je dis : En nous, le premier principe du mouvement, c’est l’intelligence qui nous représente un objet désirable ; le second, c’est la volonté ; par son opération, elle détermine le mouvement intérieur qui constitue son choix et commande aux forces motrices ; le troisième, enfin, ce sont les forces motrices qui exécutent le mouvement, à titre de principe qui meut et agit d’une manière prochaine et immédiate.

» De même en est-il pour les anges. Ils meuvent comme nous mouvons, par l’intelligence à titre de principe premier, par la volonté à litre de principe intermédiaire, enfin par leur force motrice à titre de moteur prochain. »


G. L’essence et l’existence.


En mettant le libre arbitre de la volonté partout où les philosophies helléniques ou arabes avaient considéré seulement la détermination nécessaire de l’intelligence, Henri de Gand bouleversait tout ce que le Péripatétisme et le Néoplatonisme avaient enseigné touchant les causes des mouvements célestes. Mais les conséquences des principes qu’il avait posés s’étendaient à bien d’autres théories. La liberté rendue à l’action créatrice de Dieu ne permettait plus que l’on dit : Certaines créatures, simplement possibles par elles mêmes, sont nécessaires par une cause créatrice qui leur était extérieure. Par là, se trouvait ruiné 1’un des fonde-

  1. La 212e du décret de 1277, la 74e de la liste classée par le R. P. Mandonnet.