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HENRI DE GAND

que Dieu ne produisait aucune action relative aux êtres inférieurs si ce n’est par une nécessité de sa nature ; encore a-t-elle admis qu’il ne produisait rien si ce n’est le mouvement céleste et, par cet intermédiaire, les choses qui dépendent du mouvement.

» Lorsque l’on admet, au contraire, que Dieu agit sur toutes choses et meut toutes choses, immédiatement et médiatenient, par sa volonté, et scion son bon plaisir, il peut donner une existence perpétuelle dans l’avenir aussi bien aux choses dont la substance est simplement possible qu’aux choses dont la seule possibilité est celle du mouvement local. Mais, comme nous l’allons dire, il ne leur peut donner d’avoir existé éternellement dans le passé…

» Si l’on admettait, par impossible, que le Soleil fût un dieu, un être nécessaire, capable de produire de rien un rayon subsistant, de la même manière que Dieu, au commencement, a créé toutes choses, ce Soleil ne pourrait pas plus produire un rayon qui lui fût coétcrnel que Dieu ne l’a pu faire pour les autres créatures ; il faudrait qu’à l’égard de ce rayon, l’existence eût été précédée par la non-existence. »

Ainsi, du moins, en serait-il si le rayon de lumière était une libre production de ce Soleil divin. « Si au contraire, c’était une nécessité de nature, pour le Soleil, d’émettre un rayon, et si le Soleil existait de toute éternité, de toute éternité un rayon permanent par lui-même eût etc produit par le Soleil. »

De la liberté de Dieu, mise au fondement même de sa philosophie, Henri de Gand n’a pas seulement déduit que le Monde était une créature innovée ; par une série de corollaires, il a manifesté la contradiction qui existe entre cette doctrine chrétienne et les théories développées, au sujet des substances célestes, soit par l’École d’Avicenne, soit par l’École d’Aristote.

Ce n’est pas seulement en Dieu qu’Henri de Gand met une volonté libre ; c’est en tous les êtres intelligents, dans les anges aussi bien que dans les hommes s.

Au mouvement des corps célestes, Aristote a préposé des intelligences séparées et des moteurs conjoints ; ces moteurs conjoints sont devenus des âmes pour les philosophes de l’École d’Al Farabi et d’Avicenne ; pour les philosophes de cette Ecole, d’aili.

1. Henrici a Gandavo (Juodlibeta ; quodlib. 1, quæst. Vil et VIII ; éd. cil., fol, IV, verso.

2. Henrici a Gandavo Quodlibeta ; quodlib. XIII, quæst. VI : Quomodo aûgrlus inovet corpus ; an per intellectus immediatius quam per voluDtateiii ? Ed. cil., fol. CGCCCXXVII, verso, et fol. CGGCCXXV1I1, recto et verso.