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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

changée. Il peut arriver, au contraire, que le mouvement soit simplement possible par lui-même et nécessaire par autrui ; la cause en est que le mouvement tient son existence d’autrui, savoir d’un moteur. »

Henri de Gand ne croit pas[1] que le Commentateur ait, ici, pleinement exprimé la pensée d’Aristote. Pour qu’un être dénué, par lui-même, de l’existence éternelle, puisse recevoir d’un autre cette perpétuité, il ne suffit pas que cet être tienne d’autrui son existence. « Ainsi, le Philosophe a admis que toute substance sujette a la génération et à la corruption devait, nécessairement, ne pas exister à certaines époques, bien qu’elle tienne d’autrui son existence. Tenir d’autrui son existence et être, par soi, simplement possible n’est donc pas la raison totale pour laquelle une chose peut recevoir d’une autre la perpétuité de l’existence. Il faut encore que deux autres raisons concourent avec celle-là. » La première, c’est que cette chose tienne immédiatement son existence d’un être qui se comporte toujours de même manière à son propre égard et à l’égard du mobile ; telle est Pâme du ciel, c’est-à-dire le moteur conjoint à ce ciel. » La seconde, c’est que cette chose tienne médiatement son existence d’un être qui se comporte toujours de même manière et à l’égard de lui-même et à l’égard des autres êtres ; tel est le premier Moteur, qui est immobile par lui-même, aussi bien essentiellement qu’accident elle ment. »

Ces conditions, il est nécessaire de les poser explicitement si l’on veut comprendre comment, dans la pensée du Philosophe, les substances capables de génération et de corruption ne peuvent recevoir d’autrui une existence éternelle.

Averroès est encore répréhensible par ailleurs[2] ; il a déclaré que le mouvement du ciel faisait seul exception à cette règle : « Un être, simplement possible par lui-même, ne peut pas recevoir d’autrui une existence perpétuelle. De cette règle, il aurait dû excepter non seulement le mouvement céleste, mais encore l’illumination du ciel, et aussi les autres accidents de même sorte, s’il s’en rencontre en la substance céleste. » Mais ces reproches à Averroès sont légitimes si l’on se place au point de vue de la philosophie d’Aristote ; il en va tout autrement quand on considère toutes choses du point de vue de la philosophie chrétienne. La philosophie d’Aristote, en effet, « a supposé[3]

1. Henricus a Gandavo, loc. cil., fol. CCCXV, recto.

2. Heniucus de Gandavo, loc. cit., fol. CCCXIX, recto.

3. Heniucus a Gandavo, loc. cil., fol. CCGXVI11, verso, et fol. CCCXIX, recto.

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