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clairement montré[1] que ce traité ne pouvait être de Gilles de Rome ; la théorie de l’unité des formes substantielles, que Gilles n’a cessé de soutenir, y est mise an nombre des erreurs d’Aristote.

Le P. Mandonnet a tenté de deviner quel pouvait être l’auteur de ce traité et quelle en pouvait être la date ; il n’a pu, à cet égard, donner que des conjectures assez vagues.

Ces conjectures reposent, en grande partie, sur la remarque suivante[2] :

« On s’attendrait à ce que les erreurs de Moïse Maimonide fussent tirées de son célèbre ouvrage Moré Nebouchini, que S. Munit a traduit en français sous le titre de Guide des égarés, mais que le xme siècle avait appelé Dux neutrorum sive dubiorum en l’utilisant fréquemment. 11 n’en est rien. Notre anonyme adopte comme source exclusive le De expositions Legum. C’est, selon toute apparence, le Livre des préceptes, Sepher Miçvoth, dont le texte original arabe a été publié à Paris, en 1888, et dont il connaît même, semble-t-il, deux traductions latines…

» Il est non seulement curieux, mais important de faire ces constatations, car le Livre des préceptes n’est cité nulle part chez les grands scolastiques du xm® siècle. On n’en trouve aucune trace chez Albert le Grand ni chez Saint Thomas d’Aquin. »

Cette remarque porte le P. Mandonnet à croire que l’auteur a dû vivre dans le milieu arabisant et hébraïsant espagnol.

Certains indices lui font supposer qu’il était religieux et dominicain.

« On possède[3] des manuscrits de la fin du xiiie siècle et du commencement du xive. La composition du traité est donc rejetée dans le xiiie siècle. D’autre part, notre auteur parle une langue philosophique qui ne se retrouve pas avec sa précision avant le milieu du xm® siècle ; car elle témoigne déjà d’une assimilation assez complète d’Aristote…

» Ce qui, croyons-nous, fournit la base la plus sûre sur la question de date, est le même fait qui a servi à déterminer les afiinités doctrinales du traité, nous voulons dire son identité de position avec l’École thomiste à l’égard d’Aristote, et sa réserve sur la question des formes substantielles. Il est contemporain de la formation de l’École thomiste, mais n’a pas encore subi intégralement son influence. On serait proche de la vérité, pensons-nous,

1. Pierre Mandonnet, Op. laud., Seconde Partie, Introduction, pp. XIV-XXX.

2. P. Mandonnet, loc. cit., p. XIX.

3. P. Mandonnet, loc. cit., pp. XXIX-XXX.

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