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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

eu aucun de ces modes, on ne trouve, pour le temps pendant lequel un acte est posé, de possibilité pour le contraire de cet acte. S’il y a quelque puissance pour l’acte contraire, cette puissance concerne un temps autre que celui pendant lequel l’acte est posé, temps pendant lequel l’acte, qui est contingent, pourrait être empêché…

» Si donc quelque chose a existé de toute éternité, il n’y a jamais eu, durant toute l’éternité, une puissance précédant l’acte, puissance inhérente à la chose qui existe ou relative à une cause efficiente quelconque, grâce à laquelle l’acte par lequel cette chose existe aurait pu être empêché à un certain instant anterieur à l’existence de cette chose. C’est donc d une manière absolument nécessaire que cette chose a toujours existé. »

C’est donc une proposition qui n’est pas simplement fausse, mais qui est impossible, que celle-ci : Le Monde créé tient, de toute éternité, de Dieu son existence ; cette existence, il ne l’a pas acquise [par innovation] ; toutefois, il aurait pu l’acquérir de la sorte.

» Bien au contraire ! Ou bien il faut admettre que le Monde a reçu de Dieu l’existence par voie d’innovation, que cette existence lui a été ensuite conservée par Dieu, et qu’il n’aurait aucunement pu recevoir de Dieu l’existence en quelque autre manière… Ou bien, si l’on admet que le Monde tient de Dieu une existence qu’il n’a pas acquise par voie d’innovation, il faut admettre que le Monde ne peut absolument pas ne pas recevoir de Dieu l’existence, que cette existence, il n’aurait jamais pu l’aequcrir, de la part de Dieu, par voie d’innovation, et que Dieu ne pourra jamais permettre que le Monde tombe dans le non-être… Et, sans aucun doute, ce fut bien là l’avis et la pensée des philosophes au sujet de l’éternité du monde. »

De la doctrine qu’Henri de Gand vient de développer avec tant de fermeté et de décision, on pourrait, au Guide des égarés, trouver des signes avant-coureurs. Pour prouver, en effet, que le Monde a été innové, Moïse Maimonide se contente d’y manifester des marques de la libre détermination à laquelle il doit T existence. Mais sa démonstration semble faible et caduque parce qu’il a négligé de l’appuyer à l’axiome d’Aristote : Toute existence éternelle est une existence nécessaire. En formulant explicitement ce principe, Henri de Gand garde sa déduction des objections qui ruineraient celle de Maimonide.

La doctrine que nous venons d’entendre exposer, Henri de