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CHAPITRE PREMIER
LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

I
Le traité De erroribus philosophorum.


Tandis qu’Albert le Grand et Siger de Brabant exposaient les doctrines d’Aristote, d’Avicenne et d’Al Gazâli sans déclarer s’ils les tenaient pour vraies ou fausses, sans chercher comment on les pouvait admettre tout en gardant la foi chrétienne ; tandis que Thomas d’Aquin, cueillant en chacune de ces doctrines ce qui lui paraissait acceptable, composait une philosophie éclectique, une par le langage plutôt que par la pensée, et tentait de la concilier avec le Dogme catholique ; d’autres analysaient avec une sévère critique les écrits des sages païens et musulmans, marquant sans pitié toutes les propositions que les fidèles devaient tenir pour erronées.

C’est cette œuvre que nous trouvons accomplie, avec une consciencieuse précision, dans le traité intitulé : Tractatus de erroribus philosophorum Aristotelis, Averrois, Avicennæ, Algazelis, Alkindi, Rabbi Moysis.

Dès 1482, cet ouvrage avait été imprimé à Vienne sous le nom de Gilles de Rome ; à plusieurs reprises, il avait été édité de nouveau comme ouvrage de cet auteur et, jusqu’à ces dernières années, cette attribution avait été, sans plus ample examen, généralement acceptée. Le P. Mandonnet, qui a donné la première édition complète et correcte du De erroribus philosophorum[1], a

  1. Pierre Mandonnet O. P., Siger de Brabant ; Secoade Partie : Textes inédits Louvain, 1908, pp. 1-25.