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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

» En effet, tout agent naturel qui produit la génération et la corruption exige un certain principe radical (radix) ; dans la génération, il amène ce principe à l’existence spécifique ; dans la corruption, il réduit l’existence spécifique à ce principe. Mais ce principe radical admet plusieurs degrés, à cause de la diversité que l’on remarque en la génération et en la corruption des choses différentes. Le premier degré, qu’aucun agent naturel ne saurait franchir, c’est cc genre subordonné que l’on désigne par cette circonlocution : la substance corporelle non-céleste ; cette substance n’a pas reçu de nom simple ; nous conviendrons de la nommer A.

» Que tout agent naturel s’arrête à ce degré lorsqu’il produit la génération et la corruption, [et qu’il puisse atteindre jusque-là,] cela est manifeste, car tout ce qui vient après ce principe est susceptible d’être engendré ou détruit d’une manière complète et incomplète… Ce qui suit ce principe, en effet, c’est l’élément et le mixte, » et l’élément comme le mixte peut être engendré ou détruit.

Roger Bacon, pour classer les substances, suit exactement la méthode dichotomique imaginée par Ibn Gabirol ; mais il l’applique avec une exacte rigueur que l’on chercherait en vain au Fons vitæ. il va jusqu’à figurer[1] ces subdivisions dichotomiques de la matière première universelle, de la forme première universelle, de la substance composée universelle, en des tableaux tout semblables à ceux que, de nos jours, on trouve communément dans les faunes ou dans les flores.

Aux doctrines du Fons vitæ, Saint Bonaventure donnait un complément, assez naturel, d’ailleurs, en attribuant la désignation de l’individu dans l’espèce à une raison séminale analogue à celle qui détermine l’espèce au sein du genre on un genre plus particulier au sein d’un genre plus général. Cette théorie, à laquelle le Scotisme donnera tout son développement, est bien éloignée de la pensée de Bacon. Celui-ci rappelle[2] les réponses nombreuses et diverses que l’on a donné à cette question : Quel est le principe d’individuation ? « Les uns, dit-il, veulent que l’espèce soit toute l’essence des individus, et que cette essence ait seulement, en chacun d’eux, une existence différente ; » c’est évidemment Thomas d’Aquin que vise cette allusion. « D’autres disent

1. Liber primus Commanium nafuralium Fratris Roger î. Pars secunda, Dist— 11, Cap. 5™, de figurai ! disposicione mate rie, forme et cûnipositi » Ed* Robert Sleefe, pp. 87-89*

2. Liber primas Commuai um naturalitlrn Fratris Rogsru Pars se eu ntl a, Distinctio seconda, Cap* de causa individuacionis* Ed. Robert Steele,

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