Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée
99
LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

au cours des prochains chapitres, nous aurons occasion d’y faire quelque emprunt. Il nous suffira, pour le moment, d’avoir signalé ce curieux témoignage de l’ardeur avec laquelle les Franciscains défendaient les décisions prises par Etienne Tempier. Quant à la doctrine personnelle de Lull, nous aurons plus tard à l’examiner.

En l’ordre des Mineurs, les docteurs les plus éminents n’hésitaient pas à regarder les condamnations de Paris comme faisant autorité. Nous en trouvons la preuve en lisant les Commentaires aux Sentences de Pierre Lombard composés par Richard de Middleton.

En cet ouvrage qui, comme l’a établi Sbaraglia, est postérieur, mais sans doute de peu d’années, à l’an 1291, nous voyons invoquer, à plusieurs reprises, les décisions d’Étienne Tempier. S’agit-il, par exemple, de savoir « si Dieu peut mouvoir le Ciel ultime d’un mouvement de translation ? » À l’appui de la réponse affirmative, qu’il soutient, Richard donne cette raison[1] : « Monseigneur Étienne, Évêque de Paris et docteur en Théologie, a excommunié l’article suivant : Dieu ne peut donner au Ciel un mouvement de translation. » Veut-il soutenir que « Dieu a pu et peut, maintenant encore, créer un autre Univers ? » Richard écrit[2] : « En laveur de cette opinion, ou peut invoquer la sentence de Monseigneur Étienne, évêque de Paris et docteur en sacrée Théologie ; il a excommunié ceux qui enseignent que Dieu n’a pas pu créer plusieurs mondes. » Ailleurs[3], il rappelle que « cet article : L’ange meut le ciel par sa seule volonté, a été excommunié par Monseigneur Étienne, évêque de Paris et docteur en sacrée Théologie. »

Il semblait donc aux Franciscains que Monseigneur Étienne Tempier, évêque de Paris, avait été, contre les nouveautés dangereuses empruntées aux philosophes païens et musulmans, le défenseur, très heureusement inspiré, de la saine tradition chrétienne.

Nous ne nous étonnerons donc pas de trouver dans les Ecoles franciscaines les artisans les plus nombreux et les plus actifs du renouvellement qui va rajeunir la Scolastique augustinienne.

1. Clartssïmi ïheo/ogt jVagisfrf Ricakdi de Media Villa Seraphtct Ord. âfin* couvent. Super quatuor libros Sententiarurn Pétri Lombardi quæstiones subtilissimæ. Brixîae, MDXL1, tomus secuudus, p. 186 ; lib. II, disL XIV, art. III quæst. III-

2. Ricards de Media Villa 0/9- Zaud., lib. I, dist. XLIV, art. IT quæsL IV ; éd. cit., tomus primus, p. 3<j2.

3. Ricardi de Media Villa 0/j, Zauci., lib. II, dist. XIV, art. I, quæsL VI ; éd. cit.j t. Il, p. 173.

  1. 1
  2. 2
  3. 3