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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

bre (te phrase que voici : « Et surtout si cette opinion a été condamnée par Monseigneur l’Evêque et par les maîtres de Paris. — Et potissime a domino episcopo et magistris Parisiensibus reprobatam. » Le respect des décisions prises, en 1277, par Étienne Tempier et par les théologiens de Paris se trouvait ainsi imposé à tous les Franciscains de la Chrétienté par les constitutions générales de l’Ordre.

Ces décisions trouvèrent, parmi les Frères Mineurs, un ardent défenseur en la personne du célèbre Raymond Lull[1].

Né vers 1233 à Palma, dans l’île de Majorque, d’une famille noble et riche, Raymond Lull avait mené la vie du siècle avant de prendre la bure franciscaine, qu’il revêtit à l’âge de trente ans.

Au moment où la dernière des croisades guerrières prenait fin par la mort du roi de France devant Tunis, Lull conçut le grandiose projet d’une croisade pacifique et purement spirituelle ; il voulait qu’une véritable armée de théologiens se répandît par les pays musulmans afin de réfuter les erreurs de l’Islam et d’en convertir les croyants. Ce projet imposa à Lull les occupations les plus variées, qu’il accomplit avec une dévorante activité : démarches multiples et infructueuses auprès des papes et des princes ; étude des langues orientales et des philosophies arabes ; rédaction d’une foule d’ouvrages de dialectique, d apologétique, de polémique ; enfin, missions en pays d’Islam où, à quatre reprises, l’ardent franciscain s’efforça d’accomplir seul l’œuvre qu’il eût voulu rendre collective.

La vie de Lull est une suite de pérégrinations hâtives qu’interrompent de courts séjours au couvent de Miramar, en l’Île de Majorque. On le trouve en 1276 à Montpellier, en 1283 et en 1287 à Rome, en 1288 à Paris, en 1289 à Gênes. En septembre 1292, il est à Tunis, accomplissant sa première mission en pays infidèle ; en 1293, il est de retour à Naples. En 1301, une seconde mission l’entraîne vers Chypre et l’Asie mineure ; l’année suivante le revoit


1. Le rôle de Raymond Lull comme défenseur de la Scolastique traditionnelle contre TAverroïsme et le Thomisme est très clairement défini dans l’ouvrage suivant :

Jean Henri Phobst, Caractère et origine des idées du bienheureux Raymond Lulle (Ramon Lull) (Thèse de doctorat de Grenoble), Toulouse, 1912.

    corruptam, non sanam, vel ab episcopo et magistris Parisiensibus communiter reprobatam, scienter asserere vel etiam approbare publiée vel occulte ; nec opinionem singularem cuiuscumque calumniabilem vel suspectam, maxime circa fidem vel mores, audeal defensare ».

    [Constit. gen. Perpinianenses (1331). Archivum francise, hist. II, p, 596]. i’ous devons cette note au IL P. G. Delorme, O, M., qui a découvert le second de ces textes ; qu’il nous permette de lui en exprimer notre vive gratitude.

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