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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

et quelque soit le sentiment que l’on adopte à cet égard, soit que l’on admette la permanence d’une même forme, soit qu’on ne l’admette pas, nul ne le doit juger ni erroné ni hérétique, car il pas là matière à erreur ni à hérésie. »

En l’année 1286, c’est-à-dire à peu près au temps où Henri de rendait également témoignage de la liberté avec laquelle on pouvait discuter à Paris touchant la pluralité des formes substantielles, liberté qui contrastait avec la rigueur de Ganter ber y et d’Oxford. « À Paris, disait-il[1], les uns admettent que le cadavre de Pierre n’est pas le même que son corps vivant ; d’autres admettent le contraire. Ni l’une ni l’autre de ces deux opinions n’est jugée, à Paris, absolument erronée (simpliciter erroneum)… Il semble donc que celui qui a déclaré que « ces articles étaient hérétiques et condamnés en eux-mêmes comme en ceux qui leur ressemblent, » a commis un grave excès. Qu’ils soient condamnés comme hérétiques en eux-mêmes, cela n’est point connu, du moins communément, alors que la condamnation d’articles hérétiques doit être publique et solennelle ; que des articles semblables à ceux-là soient [condamnés comme] hérétiques, on ne le sait pas non plus à Paris. Il n’est pas vraisemblable cependant, [s’ils étaient condamnés comme hérétiques], que cela hit ignoré de cette Université de Paris, vénérable en Théologie comme en droit canon. Bon nombre de maîtres, au nombre desquels se trouvaient de jeunes maîtres aussi bien que des anciens, ont écrit récemment qu’ils ignorent que cet article, dont tous les autres résultent dit-on, soit tenu à Paris pour hérétique ou erroné. Il est donc étonnant qu’un seul homme ose affirmer ainsi, d’une manière publique, que ces articles sont condamnés comme hérétiques, en eux-mêmes comme en ceux qui leur ressemblent : qu’il dénonce comme excommuniés tous ceux qui les enseignent, ce qui est une insulte pour beaucoup de gens, tant en Angleterre qu’ailleurs. Cette manière de condamner serait extrêmement dangereuse. »

Évidemment, l’intolérance qui régnait à Oxford était unanimement blâmée en l’Université de Paris. Les théologiens des partis les plus opposés, comme Henri de Gand et Godefroid de Fontaines, s’accordaient à dénier toute valeur aux condamnations portées par Robert Kilwardby et par Jean Pcckham.

La lutte des Franciscains contre les propositions condamnées i

1. M. Dr. Wulf et A. Pelzer, Les quatre premiers quodlibets de Godefroid de Fontaines, quodlib. III, quæst. V, pp. 207-208.

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