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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

infuses en la matière, et d’une foule d’autres questions semblables ? Est-ce celle qui, dans le monde entier, suscite des disputes (pugnas verborum) ? Que les anciens le décident, eux eu qui réside la sagesse ; que le Dieu du ciel y veille et y apporte correction… »

Peckham se montrait surtout fort hostile à la doctrine de l’unité de la forme substantielle, dont les conséquences lui semblaient ruiner le culte des reliques. Selon cette théorie, écrivait-il le 10 novembre 1284 au chancelier d’Oxford[1], « on ne trouverait ni à Rome ni en tout l’univers, aucun corps de saint conservé en son entier, aucune parcelle d’un tel corps ; on y trouverait seulement d’autres corps que n’ont point engendré les mères de ces saints. »

Aussi, le 29 octobre 1284, Peckham avait-il renouvelé la condamnation portée par son prédécesseur Robert Kilwardby contre cette proposition : « Quod corpus vivum et mortumn est itqvivoce corpus, et quod corpus mortuum, secundum quod corpus mortuum, est corpus secundum quid. » Le 30 avril 1285, il condamnait, à son tour, une série de propositions dont voici la huitième :

« Il n’existe en l’homme qu’une seule forme, qui est Pâme rationnelle ; il ne s’y trouve aucune autre forme ; de là découlent, semble-t-il, les susdites erreurs. »

On allait moins loin à Paris ; sans admettre en son entier la doctrine de l’unité de la forme substantielle en l’homme, Henri de Gand ne pensait pas que cette doctrine, bien comprise, ruinât le culte dû aux reliques. Aussi écrivait-il[2] : « Si quelqu’un voulait condamner cette opinion : La forme substantielle qui se trouvait dans le vivant ne demeure pas numériquement la même dans le cadavre, en prétendant que selon cette opinion, on ne devrait pas vénérer les reliques, cette condamnation ne serait point l’effet d’une mûre délibération ; au lieu de la maintenir, il la faudrait plutôt révoquer. »

Henri de Gand venait[3], d’ailleurs, de marquer avec soin la gradation suivant laquelle s’échelonne la gravité croissante de ces trois qualifications : faux, erroné, hérétique, et il avait conclu en ces termes : « Dire, pour la seconde cause, que la forme substantielle qui se trouvait dans le corps vivant de Pierre n’est pas demeurée la même dans le cadavre de Pierre n’est aucunement hérétique, non plus que ce qui résulte de là selon le VIIIe article ;

1. M. De Wulf, Histoire de la Philosophie Médiévale, 2e édition, 1905. p, 376. en note.

2. Henri de Gand, Iqc » cit>

3. H en r ici a Gandavo CJmxZ/fèe/Æ ; quodlib* quæsG Vj Utrum corpus Christi vivum et corpus Pétri vivum sint idem specie, éd* cit., fol. CCCCXII, recto.

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