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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

vain ; seule, l’expérience peut ici conférer la certitude, et non point le raisonnement. »

En l’ordre des Frères Mineurs, l’Aristotélisme se heurtait aux deux grandes puissances contre lesquelles il allait se briser ; d’une part, la Métaphysique et la Théologie augustiniennes que Saint Bonaventure exposait avec une mystique ardeur ; d’autre part, la Science expérimentale que Roger Bacon vantait avec une fougue passionnée, mais dont Bernard de Verdun maintenait les droits avec plus de fermeté.

L’ordre de Saint François était donc admirablement préparé à recevoir et à seconder les décisions d’Étienne Tempier et de Robert Kilwardby ; à peine, en effet, ces décisions étaient-elles rendues, que nous voyons les Franciscains ardents à les défendre, particulièrement contre les attaques des Dominicains.

Lorsqu’en 1278, Robert Kilwardby, nommé cardinal, avait quitté le siège archiépiscopal de Cantorbéry, il y avait eu pour successeur un franciscain, Jean Peckham, qui devait occuper ce siège jusqu’à l’an 1291 où la mort vint l’en arracher. Le nouveau primat d’Angleterre était un ancien membre de l’Université de Paris, où il étudiait déjà avant l’an 1262 ; il était de ceux qui s’intéressaient aux Sciences physiques et qui, comme Bacon, ne croyait pas que l’on en pût acquérir la connaissance par la seule lecture dos écrits d’Aristote ; comme Bacon, comme leur contemporain Witelo.il avait étudié le traité d’Optique qu’lbn al Haitham avait rédigé et que l’on nommait alors la Perspective d’Al-hazen : à l’imitation de ce traité, il avait rédigé, sous le nom de Perspectiva communis, un manuel d’Optique qui fut, avec le volumineux ouvrage de Witelo, l’une des sources où, jusqu’au xviie siècle, les physiciens puisèrent la connaissance des réflexions et des réfractions.

Alors que Jean Peckham était à Paris, et, sans doute, au voisinage de l’an 1270, il assista et prit part, comme il nous l’apprend[1], à des disputes quodlibé tique s tenues sous la présidence de l’Evêque de Paris, Étienne Tempier. En ces disputes, Thomas soutenait sa théorie de l’unité de la forme substantielle contre les subtiles argumentations de Tempier et de tous les maîtres. Par trois fois[2],

1. Jean Peckham, Lettre du Ier juin 1285 (Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, pièce no 523 ; tome 1, p. 634)* V. sur cette question : P, Jules d’Albi, Sa e n/ arfaersatre rfe Saint Bonaventure et d9Alexandre de Halés (Revue Dans Seatt ga année, no 13, pp. 204-205. 1911).

2. Jean Peckham, toc. cit. et Lettres du y décembre 1284 et du janvier 1285 (Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, pièces 517 et 518 ; tome I, p. 626 et pp. 626-627).

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