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LA KABBALE

la Pensée et le Verbe, des considérations qui s’apparentent nettement aux précédentes.

« À l’intérieur de la Pensée, il n’y a personne qui puisse concevoir quoi que ce soit : à plus forte raison est-il impossible de connaître l’Infini (Aÿn-Soph) qui est impalpable, toute question et toute méditation resteraient vaines pour saisir l’essence de la Pensée suprême, centre de tout, secret de tous les secrets, sans commencement et sans fin, infinie, dont on ne voit plus qu’une petite parcelle de lumière, telle que la pointe d’une aiguille ; et encore cette parcelle n’est-elle visible que grâce à la forme matérielle qu’elle a prise ; car le Verbe a pris la forme des signes de l’alphabet. »

Hocmâ est donc, à toute raison, aussi inaccessible que le Mystérieux, que l’Infini, que le Point suprême. Touchant cette Sagesse, on peut bien poser la question : « Qui est-elle ? » Mais cette question est destinée à demeurer sans réponse. Pour qu’on puisse répondre : « Elle est cela », il faut qu’elle se soit manifestée dans la matière, que, de Verbe silencieux, elle soit devenue Verbe parlé. C’est ce que nous allons apprendre[1].

« Avant la création, tout était au-dessus de lentendement et de la conception, et Hocmâ était aussi caché que le Point suprême. Ce n’est que quand la lumière se fut répandue sur le Monde, qu’on put s’apercevoir de 1’existence de cette lumière ; avant la création. la subtilité de cette lumière était telle que nul n’en pouvait percevoir l’existence. Mais lorsque la lumière devint accessible au Monde, on commençait à se demander : « Qui (Mi) ? ». C’est alors seulement que l’existence de Cela (Éleh) devint possible. Ce mystère est également exprimé par les paroles de l’Écriture : « Du sein de Qui (Mi) la glace est sortie. » En effet, le Monde serait comme une glace s’il n’y avait que Mi, car toute demande et toute recherche seraient infructueuses…

« La vérité est qu’avant la création du Monde, il n’y avait aucune distinction entre le Principe suprême et le Verbe. C’est seulement après la création qu’on commença à distinguer entre Qui (Mi) ? et Cela (Éleh) ; malgré cette distinction, l’un et l’autre ne font qu’un… De même, le Principe suprême et le Verbe sont deux, tout en n’étant qu’un au fond. »

  1. Zohar, I, fol. 30a ; t. I, p. 188.