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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

création de la matière, Verbe encore latent qu’on nommera Sagesse (Hocmâ) ou Pensée, et le Verbe qui, depuis la création de la matière, se manifeste en celle-ci ; ce dernier correspond à Binâ ; c’est lui qui mérite vraiment le nom de Verbe.

Par là, la théorie qui distingue la trinité du mystérieux Ancien. de Hocmâ et de Binâ se trouve, en quelque sorte, ramenée à la théorie qui voyait seulement en Dieu la dualité de Jéhovah et d’Élohim, mais au gré de laquelle Élohim offrait deux aspects, l’un caché et l’autre manifesté dans la création.

À la théorie que nous venons de résumer font allusion les paroles que nous citions : « Bereschith désigne le Verbe qui correspond au degré de Hocmâ. »

Cette même théorie se trouve exposée en détail dans le passage que voici[1] :

« La création s’opéra par la volonté du mystérieux Infini. Ce n’est que pour la création des œuvres en détail qu’est prononcé le mot parole pour la première fois, ainsi qu’il est écrit : « Et Élohim dit : Que la lumière soit. » Donc le Verbe n’apparaît que pour la création des détails, alors que la création de la matière générale fut opérée avant l’apparition du Verbe. C’est pourquoi, dans les deux premiers versets de la Genèse, où est exposée la création de la matière en général, on ne trouve pas le mot : vayomer, dit. Bien que les mots : Bereschith bara Élohim signifient : Par le Verbe, Élohim créa, de ce que la matière a été créée par le Verbe, on ne doit pas conclure que celui-ci se fût déjà manifesté avant la création. Certes, il existe de toute éternité, mais il ne se manifesta pour la première fois que quand la matière fut créée. Avant, le mystérieux Infini manifestait sa toute-puissance et son immense bonté à l’aide de la mystérieuse Pensée, même essence que le mystérieux Verbe, mais silencieuse. Le Verbe, manifesté à l’époque de la création de la matière, existait avant sous forme de Pensée ; car, si la parole est capable d’exprimer tout ce qui est matériel, elle est impuissante à manifester l’immatériel. »

Cette Pensée, nous le voyons ici, c’est le Commencement que désigne le mot Bereschith, comme, tout à l’heure, ce même commencement correspondait à la Sagesse (Hocmâ) ; cette Pensée et cette Sagesse sont donc bien identiques.

Dans le passage suivant[2], nous retrouvons, touchant l’Infini,

  1. Zohar, I, fol. 16b ; t. I, pp. 98-99.
  2. Zohar, I, fol. 21a ; t. I, p. 129.