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LA KABBALE

l’Homme enfin qui embrasse tous les mystères, même ceux qui étaient avant la création du Monde. »

Le Livre occulte nous dit également qu’Élohim présente deux aspects, l’un caché et l’autre visible : à Jéhovah et à Élohim, il donne les noms de Père et de Fils. « La Genèse, dit-il[1], commence par les mots Bereschit bara. Le premier mot est complet ; le second est composé des lettres formant la moitié seulement du premier. Le premier désigne le Père et le second désigne le Fils, tantôt caché et tantôt visible. » Et, faisant allusion à l’œuvre de la création par laquelle Jéhovah a engendré Élohim et s’est manifesté aux hommes, le Livre occulte ajoute : « L’Ancien des temps s’est étendu pour venir en contact avec des êtres humbles et modestes ; la bouche ose à peine prononcer ces choses sublimes. »

« Le désir des justes, déclare à son tour l’Idra rabba[2], c’est de s’attacher à l’Ancien mystérieux qu’ils entrevoient parce qu’il leur est caché en partie, et de s’attacher en même temps à la Petite Figure. » L’Idra rabba ajoute : « C’est à la Petite Figure que les cheveux commencent à être divisés en côté droit et en côté gauche… Tandis que chez l’Ancien mystérieux, il n’y a pas de côté gauche ; tout est droit chez lui. » Cette métaphore nous veut rappeler de nouveau que Jéhovah ne peut être considéré que d’une seule manière, tel qu’il réside en lui-même dans sa mystérieuse unité, tandis qu’Élohim peut être contemplé sous deux aspects, selon qu’il se cache en Dieu ou qu’il se manifeste dans le Monde.

Pour exprimer la même pensée, le Livre occulte fait appel à l’une de ces considérations allégoriques sur le nom de Dieu qu’on rencontre si fréquemment dans le Zohar.

On sait que dans l’ancien hébreu, les consonnes seules s’écrivent ; le nom de Jéhovah ou de Iahveh s’écrit donc en traçant successivement de droite à gauche les quatre lettres : yod, hé, vav, hé. Sur ce tétragramme יהוה va se jouer à l’infini l’ingéniosité des Kabbalistes.

L’Idra zouta nous déclarera, d’abord, que le yod par lequel commence le nom sacré est le symbole du Père, de l’Ancien mystérieux, qui se manifeste seulement par la Mère, c’est-à-dire par Élohim.

« Tout est un, dit-elle[3], et il n’y a pas de séparation… Le premier point appelé Père est contenu dans la lettre appelée yod… Le yod est le commencement et la fin de toutes choses. »

  1. Zohar, ii, fol. 178b ; t. IV, p. 144.
  2. Zohar, III, fol. 129a ; t. V, p. 337.
  3. Zohar, III, fol. 290b ; t. VI, p. 91.