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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

partie de sa vie en Espagne, est mort à Jérusalem en 1300 : quant à Babbi Ascher, il florissait vers l’année 1320.

L’opinion d’Abraham Zaccut paraît contenir nue grande part de vérité : nombre d’auteurs, après avoir minutieusement étudié le Zohar, ont conçu des pensées très voisines de celle-là ; tels, en particulier. Ad. Franck et Jean de Pauly qui font remonter à une haute antiquité certaines doctrines ou certaines parties du Zohar. mais qui ne refusent point d’y reconnaître nombre de remaniements plus récents ; tel, d’autre part, S. Munk, qui s’est grandement attaché à mettre en évidence ces remaniements, et qui écrit[1] : « Quelle que puisse être l’antiquité de certaines doctrines professées dans le Zohar, il nous paraît hors de doute que l’ensemble de ce livre, tel que nous le possédons aujourd’hui, est une compilation qui ne remonte pas au-delà du xiiie siècle et dont les auteurs vivaient en Espagne ». Le Zohar n’est pas l’œuvre d’un seul auteur ni d’un seul temps : il est le produit d’une longue tradition. Il est comme un fleuve dont la source est très éloignée, mais qui, au long de son cours, a été grossi par une foule d’affluents.

Parfois, d’ailleurs, les apports divers qui ont, peu à peu, constitue le Livre de la Splendeur, se laissent encore discerner ; certains fragments se soudent à peine au reste de l’ouvrage. D’une part, on en distingue sans peine les commentaires plus récents, attribués au Pasteur fidèle, que les éditeurs y ont insérés. D’autre part, le commentaire du Pentateuque, qui forme le principal courant du Zohar, charrie, pour ainsi dire, certaines pièces disparates et qui semblent antérieures au reste de l’ouvrage ; tels les fragments qui portent, çà et là, le litre de Mischna ; tels le Livre occulte et les trois Idra.

Le Livre occulte ou Livre du Mystère (Siphra di-Zentoutha)[2] commence par ces mots[3] : « Nous avons appris dans le Livre occulte qu’en créant le Monde, Dieu fit peser à la balance ce qui, jusqu’alors, n’avait pas été pesé… » Il prend fin sur ces paroles[4] : « Fin du texte des mystères occultes concernant le Roi, contenus dans le Livre occulte. Heureux le sort de celui qui peut y pénétrer et qui en connaît les sentiers et les voies ! » Ce commencement et cette tin nous marquent assez que, sous le titre de Livre occulte. le Zohar conserve seulement un extrait d ue traité plus ancien qui portait ce nom.

  1. S. Munk, Mélanges de Philosophie juive et arabe : Paris, 1859, p. 275.
  2. Zohar, éd. de Mantoue, II, fol. 176b à fol. 179a ; trad. J. de Pauly, t. IV, pp. 135-145.
  3. Zohar, II, fol. 176b ; t. IV, p. 137.
  4. Zohar, II, fol. 179a ; t. IV, p. 145.