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CHAPITRE VI
LA KABBALE

I
la kabbale. — le Sepher ha-Zohar.


Les Chrétiens du Moyen Âge ont été tentés de prendre Avicébron pour un des leurs ; il leur semblait que des doctrines sur la Volonté et sur la Lumière céleste, si voisines de ce que l’Église enseignait au sujet du Verbe et de l’Esprit-Saint, ne pouvaient être professées que par un de leurs coreligionnaires. Mieux instruits de la Théologie ésotérique des Juifs, ils eussent été, sans doute, d’autre opinion ; la Kabbale, en effet, leur eût fait entendre, au sujet de la Trinité divine, des enseignements fort semblables à ceux du Rabbin de Malaga.

Déjà la Mischna dont la rédaction, au gré de nombre d’érudits fut achevée par le rabbin Judas le Saint, en l’année 189 de notre ère, fait allusion à un enseignement secret qui, chez les Juifs, se transmettait oralement aux seuls initiés[1]. Il faut donc, semble-t-il, faire remonter l’origine de cet enseignement au moins jusqu’aux exégètes, jusqu’aux thannaïm qui, vers la fin du premier siècle de notre ère, préparaient l’œuvre de Judas le Saint ; et c’est bien parmi les thannaïm de ce temps que figurait Simon ben Jochaï auquel les adeptes de la Kabbalah attribuent le plus vénéré de leurs livres.

En effet, la doctrine ésotérique des Juifs ne fut transmise, tout d’abord, que par la tradition orale : mais les rabbins qui se la transmettaient et qui l’enrichissaient de nombreux commentaires, la fixèrent enfin dans des traités écrits : de ces traités, il en est deux qui nous sont parvenus entiers ou presque entiers ; ce sont le Livre

  1. Ad. Franck, La Kabbale ou la Philosophie religieuse des Hébreux. 3e édition, Paris, 1892 ; p. 41.