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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

essentielle et simple. À l’Esprit-Saint, le rôle qu’elle attribue est celui-ci : Ces causes primordiales créées au sein du Verbe, il les distribue, devenues fécondes, en leurs effets ; c’est-à-dire qu’il les subdivise de manière à produire les genres et les espèces, les individus multiples et différents soit des essences célestes et spirituelles entièrement dénuées de corps, soit des essences associées aux corps très purs et très spirituels que constitue la simplicité des éléments catholiques, soit des essences universelles de ce Monde sensible, soit enfin des essences particulières qui s’y trouvent, séparées les unes des autres par les lieux qu’elles occupent, mobiles dans le temps, distinctes en grandeur et en qualité. »

C’est ainsi le Saint-Esprit qui assure, en toute créature, la participation à l’action créatrice de Dieu ; c’est cette participation que la Théologie désigne sous le nom de dons du Saint-Esprit. « Il n’y a aucune nature créée qui possède quoi que ce soit hors ce qu’elle a reçu du Créateur[1]. Si elle existe, c’est de lui, nous l’avons dit, qu’elle a reçu l’existence ; si elle vit, c’est de lui qu’elle tient la vie ; si elle sent, de lui la sensibilité ; si elle est raisonnable, de lui la raison ; si elle est intelligente, de lui l’intelligence ; c’est de lui qu’elle fient mille autres choses de ce genre. Si donc, dans la nature des choses créées, on ne peut rien concevoir, hors ce qui a été donné par le Créateur, il en résulte que, ni dans son essence ni dans ses accidents, la créature n’est rien que dons et largesses du Créateur ; or, la distribution des dons de Dieu, la Théologie l’attribue au Saint-Esprit comme une sorte de propriété. »

Ces dons que le Saint-Esprit répand dans le Monde créé, on les peut comparer à la lumière qui émane d’un, flambeau. « Tous ces dons sont fort bien nommés des lumières[2], car ils descendent de la Lumière inengendrée par l’intermédiaire de la Lumière engendrée et de la Lumière qui procède de toutes deux ; ils vont se répartissant entre les diverses substances individuelles de chaque essence universelle ou spéciale, dans la mesure où la nature de ces substances est apte à recevoir ces dons et où elle a part aux largesses de la grâce. »

Jean Scot trouve ainsi en Dieu[3] la trinité qu’à l’exemple de Denys, il a rencontrée en toutes choses ; cette trinité qu’expriment les trois mots : Οὐσία, δύναμις, ἐνέργεια, c’est-à-dire : Essentia, virtus, operatio.

  1. Joannis Scoti Erigenæ Op. laud., Lib. ii, cap. 22 ; éd. cit., coll. 565-566. — Cf. Lib. ii, cap 32 ; éd cit., coll. 608-609.
  2. Jean Scot Érigène, loc. cit.
  3. Joannis Scoti Erigenæ Op. laud., Lib. ii, cap. 23 ; éd. cit., coll. 567-568.