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CHAPITRE XIII
SIGER DE BRABANT


Afin d’accorder la Philosophie avec le Dogme, Saint Thomas d’Aquin avait dû, à maintes reprises et en dépit de ses préférences, se montrer infidèle aux principes d’Aristote et recevoir ceux d’Avicenne ; ceux-là mêmes, il avait dû souvent les abandonner. Albert le Grand, déjà, et bien qu’il prétendît exposer simplement les opinions des philosophes sans prendre à son propre compte leurs affirmations hétérodoxes, avait, bien souvent, atténué ou corrigé ce que les propositions d’Aristote ou d’Avicenne avaient de trop formellement hérétique. Ni l’un ni l’autre des deux grands docteurs dominicains ne pouvait passer pour interprète exact de la pensée péripatéticienne ou de la pensée néo-platonicienne.

Parmi les contemporains d’Albert et de Thomas, ceux qui étaient quelque peu versés en l’étude des philosophes ne pouvaient manquer de reconnaître cette vérité ; il s’en trouva pour l’affirmer nettement ; parmi ceux-ci, le plus marquant fut, sans doute, Siger de Brabant[1].

Siger de Brabant, maître ès arts de l’Université de Paris, apparaît dans l’histoire à la date du 27 août 1266[2] ; à ce moment, il venait de jouer un rôle important dans de graves désordres qui avaient mis aux prises, au sein de l’Université, la nation Française avec les nations Picarde, Normande et Anglaise.

De l’activité intellectuelle de Siger, il nous reste quelques monuments dont nous devons la publication au R. P. Pierre Mandonnet. Parmi ces écrits, il en est qui sont exclusivement consacrés à la Logique. Les Quæstiones logicales[3], dont nous ne possédons

  1. Pierre Mandonnet, O. P. Siger de Brabant Première partie : Étude critique ; Louvain, 1911. Seconde partie : Textes inédits ; Louvain, 1908 (Les Philosophes Belges, Textes et Études, t. V et t. VI).
  2. P. Mandonnet, Op, laud., Première partie, pp. 80-83.
  3. P. Mandonnet, Op. laud., Seconde partie, pp. 53-61.