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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

nu point de vue du mouvement (secundam moveri). En vertu de sa propre nature, on attribue à l’âme d’un animal corruptible d’être mue par entraînement (per accidens) ; en effet, quand se meut le corps avec lequel, au point de vue de l’existence, elle ne fait qu’un, il faut bien qu’elle soit mue par entraînement. Au contraire, si l’on attribue un mouvement d’entraînement (per accidens) au moteur d’un orbe inférieur, ce n’est point en raison de lui-même, c’est seulement en raison de son mobile qui est entraîné par le mouvement de l’orbe suprême ; quant au moteur de l’orbe suprême, iln’aaucune espèce de mouvement d’entraînement (per accidens) son orbe, en effet, n’est pas entraîné ; il entraîne les autres…

» Que les corps célestes, donc, soient animés de la même façon que les corps inférieurs sont animés, il le faut nier. Mais on ne doit pas nier ranimation des corps célestes si, par animation, on entend simplement, l’union d’un moteur avec un mobile. »

Cette union de la substance spirituelle motrice avec le corps céleste qu’elle meut, nous est-il donné de la définir d’une manière plus précise ?

« On peut dire avec probabilité que la substance spirituelle meut le corps du ciel par l’empire de sa volonté. Sans doute, la matière corporelle, dans ses changements de forme, n’obéit pas au bon plaisir (ad nutum) d’un simple esprit créé, mais seulement au bon plaisir de Dieu… Cependant, en ce qui concerne le changement de lieu, qu’elle puisse obéir au bon plaisir d’un esprit créé, cela se voit en nous-même, car le mouvement des membres de notre corps suit immédiatement l’ordre de notre volonté.

» Si toutefois, à cet empire de la volonté, il faut adjoindre encore l’influx d’une certaine force (virtus), on n’aura pas à craindre que cette force, parce qu’elle est finie, vienne à se fatiguer. En effet, toute vertu d’un certain ordre, bien qu’elle soit finie en elle-même, et à l’égard de tout ce qui lui est supérieur, est infinie à l’égard de ses inférieurs… La force de la substance spirituelle qui meut le ciel est donc infinie à l’égard du mouvement corporel ; partant, ce mouvement n’entraîne, pour elle, aucune fatigue. »

Thomas d’Aquin attribue maintenant, à chaque ciel, un moteur conjoint et un moteur séparé, alors que l’Exposition de la Métaphysique et, surtout, la Somme théologique ne lui semblaient attribuer qu’un moteur unique. Les variations que sa pensée approuvées, il prétend les rencontrer dans les traités d’Averroès.

« Averroès, dit-il, a varié dans ses propos.

» Au traité De substantia orbis, il dit que c’est la même cause