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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

de concevoir un nombre qui ne serait ni pair ni impair, L’âme humaine possède l’existence nécessairement et par elle-même. Partant elle est éternelle et incréée. L’intelligence humaine est un dieu. Telle est la conséquence forcée du raisonnement précédent. Telle est, en effet, la conclusion que formulait le Péripatétisme.

Comment cette conclusion n’épouvante-t-elle pas le Christianisme de Thomas d’Aquin ? Après avoir présenté l’argumentation dans toute sa force, il atténue l’énoncé de la proposition démontrée. Il vient de prouver que l’âme humaine possède, par nature, une existence nécessaire, partant, incréée et éternelle ; il se contente de dire : l’âme de l’homme est immortelle. Ce voile suffit à lui cacher l’incompatibilité radicale de la Métaphysique d’Aristote avec le dogme chrétien. Dans la conclusion de son syllogisme, il est des parties qui lui feraient horreur ; il ferme les yeux pour ne les point voir ; cela les empêche-t-il de subsister ? Quand on a posé des prémisses, est-on maître d on refuser les suiles logiques ?

Nous venons de voir à quelles conséquences, très conformes à l’esprit du Péripatétisme, mais étrangement scandaleuses pour sa foi chrétienne, Thomas d’Aquin s’était trouvé conduit lorsqu’il avait voulu rattacher la théorie de l’essence et de l’existence aux principes d Aristote. Lui est-il arrivé de reconnaître ce que cette méthode présentait de scabreux ? Il est permis de le penser. On expliquerait ainsi comment, au sujet, de l’identité, de l’essence divine avec l’existence de Dieu, il en est venu à raisonner tout autrement qu’il ne l’avait fait dans la Somme contre les Gentils et dans la Somme théologique.

Los Questions disputées sur la puissance de Dieu sont, vraisemblablement, une des dernières œuvres de Saint Thomas, puisqu’elles

    dentiam considerandumn est quod id quod per se conusequitur ad aliquid non potest removeri ab eo, sicut ab homine non removetur quod sit animal, neque a numero quod sit par vel impar. Manifestum est autem quod esse per se consequitur formam. Unumquodque enim habet esse secundum propriam formam. Unde esse a forma nullo modo separari potest.

    Corrumpuntur igitur composita ex materia et forma per hoc quod admittunt formam ad quam consequitur esse ; ipsa autem forma per se currumpi non potest ; sed per accidens, corrupto composito corrumpitur, inquantum deficit esse composito quod est per formam, si forma sit talis quod non sit habens esse ; sed sit solum quod composito est.

    Si ergo sit aliqua forma quæ sit hahens esse, necesse est illam formam incorruptibilem esse. Non enim separatur esse ab aliquo habente esse, nisi per hoc quod separatur forma ab eo. Manifestum est autem quod principium quo homo intelligit est forma habens esse in se, et non solum sicut quo aliquid est.