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SAINT THOMAS D’AQUIN

est être vivant, puis est animal et, enfin, est homme ; ils disent alors qu’il existe une première forme substantielle par laquelle cette chose est seulement substance, puis une autre par laquelle elle est corps, puis une par laquelle elle est vivante, une autre par laquelle elle est animal, une enfin par laquelle elle est homme. Ils en disent autant des formes substantielles des autres choses.

» Mais cela ne peut tenir ; la forme substantielle, c’est ce qui fait qu’une chose est telle chose déterminée (hoc aliquid) et ce qui lui donne l’existence substantielle. Dès lors, la première forme serait seule forme substantielle, car elle seule donnerait à la chose considérée l’existence substantielle et ferait qu’elle soit telle chose ; toutes les formes qui suivent la première surviendraient seulement à titre d’accidents : elles ne feraient pas simplement que la chose soit ; elles la feraient être de telle manière ; le gain ou la perte d’une de ces formes ne constituerait pas une génération ni une corruption, mais seulement une altération. On voit bien que tout cela n’est pas vrai.

» Il en serait absolument de même pour les puissances de l’âme ; seule, la première, la forme végétative, serait forme substantielle et ferait que la chose soit telle chose ; les autres seraient simplement accidentelles, ce qui est entièrement faux.

» Voici donc ce qu’il faut dire :

» Les formes diffèrent les unes des autres par leur perfection plus ou moins grande. Il est une forme dont une chose recevrait seulement l’existence corporelle ; une autre, plus parfaite, donnerait aussi la vie, sans spécifier de quelle sorte est cette vie ; une autre, outre les caractères précédents, donne encore la faculté de sentir, On voit qu’en cet ordre, la dernière forme est toujours plus parfaite que les précédentes ; elle a, aux précédentes, le rapport qu’a le plus parfait au moins parfait. Donc, tout ce qui est contenu dans les premières formes, est aussi contenu virtuellement (in virtute) dans la dernière.

» L’âme sensitive et l’âme intelligente ont donc une seule et même essence ; mais l’âme intelligente se comporte à l’égard de l’âme sensitive comme le plus parfait à l’égard du moins parfait. »

Dans l’homme, il y a une seule forme substantielle, l’âme intelligente ; mais cette forme possède tous les pouvoirs des formes moins parfaites qu’elle contient virtuellement ; c’est donc elle qui fait fonction d’âme végétative et d’âme sensitive, qui donne à l’homme de vivre et de sentir ; c’est elle, aussi, qui fait fonction