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SAINT THOMAS D’AQUIN

Dieu existe par participation, en sorte qu’en elle, autre chose est la substance qui participe à l’existence, autre chose est l’existence reçue en partage. Mais toute chose qui participe se comporte à l’égard de ce qu’elle reçoit en partage comme la puissance se comporte à l’égard de l’acte. Par conséquent, la substance de toute chose créée se comporte à l’égard de l’existence de cette chose comme la puissance à l’égard de l’acte. Ainsi, toute substance créée est composée de puissance et d’acte, c’est-à-dire de ce qu’elle est et d’existence (ex eo quod est et esse), comme le dit Boëce au livre De hebdomadibus. »

Tel est encore ce passage[1] : « Il faut que l’existence comparée à l’essence, qui diffère de cette existence, soit comme l’acte à l’égard de la puissance. — Oportet quod ipsum esse comparetur ad essentiam, quæ est aliud ab ipso, sicut actus ad potentiam. »

Tel est, en troisième lieu, cet autre texte[2] : « Dans un ange, nous trouvons la substance ou la quiddité qui subsiste, et l’existence par laquelle cette quiddité subsiste… Nous disons donc que l’ange est composé de ce par quoi il existe et de ce qu’il est (ex quo est et quod est) ou encore, selon le mot de Boëce, d’existence et de ce qu’il est (ex esse et quod est). Or, la substance de l’ange, considérée en elle-même, est en puissance de l’existence, car c’est d’un autre qu’elle tient l’existence, et l’existence en est l’acte ; il y a donc, en elle, opposition de puissance et d’acte. Ainsi pourrait-on accorder qu’il y a, en elle, matière et forme, si tout acte devait être appelé forme, et toute puissance, matière. Mais cette appellation ne convient pas au cas dont il s’agit, car l’existence n’est pas un acte qui soit partie de l’essence, comme l’est une forme ; c’est par elle-même que la substance ou quiddité de l’ange subsiste, ce qui ne convient pas à la matière. »

Enfin le texte où se trouve le plus formellement énoncée la pensée que nous avons en vue est, sans doute, celui-ci, qui est extrait de la Somme théoloqique[3] :

« Bien qu’un ange ne soit pas composé de matière et de forme, il y a cependant en lui une certaine composition. Cela se peut manifester par la considération des choses matérielles où l’on trouve une double composition. De ces deux compositions, la première est celle qui est faite de forme et de matière, principes par

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Summa Theologica, Pars prima, quæst. III, art. V : Utrum in Deo sit idem essentia et esse.
  2. Sancti Thomæ Aquinatis Quodlibeta ; Quodlib. IXm, art. VI : Utrum angeli sint compositi ex materia et forma.
  3. Sancti Thomæ Aquinatis Summa Theologica, Pars prima, Quæst. I, art. II : Utrum angelus sit composites ex materia et forma.