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SAINT THOMAS D’AQUIN

substantiæ). C’est pourquoi Dieu, qui est sa propre actualité, est aussi sa propre existence. »

Il semble qu’en cette circonstance, le Doctor communis accepte sans restriction cette affirmation : L’existence se comporte à l’égard de l’essence comme l’accident à l’égard de la substance. Cette affirmation paraît résulter aussi bien de cette proposition formelle : Esse est accidens, que de la comparaison employée pour l’éclaircir.

Thomas d’Aquin se montrait alors particulièrement attentif aux analogies qu’on peut reconnaître entre l’existence et un accident ; plus tard, dans son dernier Quolibet, c’est aux différences qu’il attachera plus d’importance.

La question posée était ainsi formulée[1] : L’existence d’un ange est-elle un accident de cet ange ? Après avoir résumé les critiques d’Averroès contre l’opinion d’Avicenne, Thomas répondait :

« L’existence substantielle d’une chose n’est pas un accident (esse substantiale rei non est accident) ; c’est l’actualité de toute forme qui existe, que cette forme existe sans matière ou soit unie à la matière… Partant, au sens propre du mot, l’existence n’est pas un accident (Et sic, proprie loquendo, non est accident). Au sujet du texte de Saint Hilaire, je dis que le mot accident y est pris au sens large, comme désignant tout ce qui ne fait pas partie de l’essence ; et ainsi en est-il de l’existence pour les choses créées ; en Dieu seul, l’existence, c’est l’essence. »

Successivement enclin à affirmer, puis à nier cette proposition : L’existence est à l’essence ce que l’accident est à la substance, le Doctor communis ne la livrait pas à ses successeurs comme une solution, mais plutôt comme l’énoncé d’un problème à résoudre.


IV
L’EXISTENCE EST À L’ESSENCE CE QUE L’ACTE EST À LA PUISSANCE

Avicenne et Al Gazâli avaient très clairement enseigné que l’existence se comporte à l’égard de l’essence comme l’acte à l’égard de la puissance, comme la forme à l’égard de la matière. À ce sujet, Thomas d’Aquin se montre, constamment, leur très fidèle disciple.

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Quodlibeta, Quodib. XIIm, art. V : Utrum esse angeli sit accidens ejus.