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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

versalité n’est pas davantage contenue dans la définition de l’équinité ; car l’équinité possède une définition qui n’a nul besoin de l’universalité ; elle est ce à quoi l’universalité advient (accidit).

» Par conséquent, Véquinilé n’est absolument rien que l’équinité toute seule. Par elle-même, elle n’est ni une ni multiple ; elle n’est ni existante dans l’âme ni existante parmi les choses sensibles ; ni l’une ni l’autre de ces deux existences, elle ne la possède ni en acte ni en puissance : rien de tout cela ne se trouve contenu dans l’essence de l’équinité.

» Puisque l’équinité n’est rien d’autre que l’équinité, l’unité est une propriété telle que, lorsqu’elle est adjointe à l’équinité, celle-ci, par cette propriété même, devient une chose unique, [un cheval particulier]. Semblablement, outre l’unité, l’équinité possède une multitude d’autres propriétés qui lui advieiincnt à titre d accidents (accidentes sibi).

» Ainsi, en tant qu’un grand nombre de choses s’accordent à vérifier la définition de l’équinité, l’équinité est universelle : mais en tant que l’on prend l’équinité avec des propriétés bien déterminées, elle est singulière. En elle-même, donc, l’équinité est simplement l’équinité.

» Partant, si quelqu’un nous interrogeait au sujet de l’équinité sous forme de dilemme : l’équinité, en tant qu’équinitlé, existe-t-elle ou n existe-t-elle pas ? Nous ne pourrions répondre que par une négation, quelle que soit celle des deux alternatives qu’on nous propose… »

Al Gazâli avait, à son habitude, adopté la doctrine d’Avicenne, mais, avec sa coutumière clarté, il l’avait exposée[1] de telle manière que la signification purement logique en fût mise en évidence.

« Toute notion (intentio) universelle, écrivait-il, lorsqu’on la compare au sujet plus particulier qui se trouve immédiatement au dessous d’elle et contenu en elle, apparaît comme essentielle ou comme accidentelle. »

S’agit-il, par exemple, du concept universel d’animal et du concept d’homme, qui est plus particulier et contenu dans le concept d’animal ? Nous ne pouvons aucunement former le concept d’homme sans lui associer le concept d’animal ; nous ne pouvons concevoir ce que c’est qu’un homme sans concevoir qu’il est un

  1. Logica et Philosophia Algazelis Arabis. Colophon : Ad Laudem dei altitonantis… impressum ingenio et impensis Petri Lichtensteijnn Coloniensis Anno virginei partus 1506. Idibus februarijs sub hemispherio Veneto, De partibus logice. Capitulum tertium. Fol. sign. a 3, col. d.