le traité De ente et essentia.
La lecture des traités d’Albert le Grand laissait l’esprit du lecteur dans une étrange perplexité.
Ce qu’Albert professait en ses livres, c’était, proclamait-il, l’opinion des Philosophes péripatéticiens ; ce n’était nullement son opinion personnelle ; cette opinion des Philosophes, il l’exposait selon la méthode syllogistique, sans aucun appel aux raisons de la Théologie ; au contraire, c’est en traitant de la Théologie qu’il promettait de faire connaître sa propre pensée, et cette pensée, nul n’en doutait, se conformait parfaitement à l’enseignement orthodoxe de l’Église catholique.
Il semblait donc, par l’exemple même d’Albert, qu’on pût développer, hors de la Théologie, une Philosophie capable de justifier ses conclusions à l’aide de principes évidents et de syllogismes parfaitement démonstratifs ; que les enseignements de cette Philosophie fussent, en bon nombre de points essentiels, tout à fait contraires au dogme catholique : enfin, que la connaissance de cette Philosophie n’empêchât point d’engager sa foi aux vérités que l’Église affirme. Quelle conclusion devait-on tirer de là ? Fallait-il donc admettre que les arguments philosophiques les plus convaincants en apparence, ceux-là mêmes qui avaient triomphé de toutes les objections, étaient, en réalité, sans force pour établir la vérité de leurs conclusions ? Ou bien fallait-il reconnaître l’existence de deux vérités indépendantes l’une de l’autre, l’une fondée sur les raisons des Philosophes, l’autre établir sur