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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

» Parmi ces dernières, il faut distinguer la matière universelle ou première et la matière particulière ou seconde.

» La matière universelle, c’est celle qui n’a pas rapport à telle forme spéciale, mais bien à toute forme. Dans la matière, en effet, se trouve une inclination, un appétit qui tend à toute forme, et cela parce qu’à l’égard de toute forme, elle est dans un état d’imperfection ; car toute chose désire surtout ce qui lui fait défaut ; aussi Aristote, au premier livre des Physiques, dit-il que la matière désire la forme comme l’épouse désire l’époux, et comme le laid désire le beau.

» La matière particulière est celle qui est devenue telle chose (hoc aliquid) et qui a été déterminée par la forme substantielle et par les formes accidentelles.

» Remarquez qu’en la matière universelle, il n’y a qu’une puissante passive ; il en est de même dans la matière artificielle, comme le montre le bronze, matière artificielle d’une statue. Mais dans la matière naturelle particulière, il n’y a pas seulement une puissance passive ; il y a aussi une puissance active. Cette dernière puissance est ce que les théologiens nomment raison séminale. C’est quelque chose de la forme particulière, car elle est apte à former la forme même. »

Le commencement de ce morceau s’accorde parfaitement avec l’enseignement d’Avicébron ; la fin, à la Physique péripatéticienne, rattache le système des raisons séminales admis par Saint Augustin, et cela dans les termes mêmes que Roger Bacon employait dans ses Questions ; l’ensemble résume la théorie de la matière première telle que les Écoles franciscaines l’admettront sous l’influence de Saint Bonaventure. Les pensées qui nous viennent d’être exposées rassemblent aussi peu que possible à celles dont Albert le Grand se fait le défenseur dans ses divers ouvrages : ce qu’il y rejette formellement est, non moins formellement, affirmé par la Philosophia pauperum.

Il est donc bien clair que la Philosophia pauperum est un ouvrage apocryphe dont Albert n’est aucunement l’auteur.

La Philosophia pauperum renferme une indication qui aurait son prix si elle nous était parvenue sous une forme assurée.

À propos des comètes, l’auteur dit :[1] « Dans l’année 1240 de l’incarnation du Seigneur, j’ai vu une comète, en Saxe, avec beaucoup d’autres personnes. — Ego enim cum multis aliis, anno

  1. B. Alberti Magni Op. laud., pars IV, cap. XXX : De cometis (B. Alberti Magni Opera, éd. cit., t. XXI, p. 35, col. b).