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ALBERT LE GRAND

puissance à la façon d’un instrument[1] ; d’autre part, elle se comporte à l’égard de l’intelligence active comme un principe moins formel qui reçoit son activité et sa vertu d’un principe plus formel, Lorsqu’en effet, deux choses sont comparées à une même troisième qui joue par rapport aux deux premières le rôle de matière, l’une de ces choses est forme d’une manière absolue ; l’autre joue le rôle d’instrument ; elle est moins parfaite ; aussi celle-ci a-t-elle par rapport à celle-là le rapport qu’aurait quelque principe matériel. Lors donc qu’à l’intelligence en puissance, ou compare l’intelligence active aussi bien que l’intelligence spéculative, l’intelligence active est forme, d’une manière absolue, tandis que l’intelligence spéculative n’est pas absolument forme ; elle est instrument. »

Outre cette intelligence active « qui est une partie de l’âme et qui est la forme de l’âme humaine[2], » outre l’intelligence en puissance, outre l’intelligence spéculative qui résulte de l’union des deux premières, il nous faut considérer l’intellect absolument. séparée (Intellectus omnino separatus).

» L’intellect absolument séparée[3], c’est l’intellect de l’Intelligence dont l’intelligence humaine est une sorte d’image. »

Cette Intelligence qui est, à l’égard de l’âme humaine, l’idée, le modèle dont l’âme est l’image (ymago). c’est assurément, dans la pensée d’Albert, une des Intelligences motrices des cieux ; pour en avoir la certitude, il suffit de poursuivre la citation que nous venons de commencer :

« Cette Intelligence enveloppe son mobile qui est une sphère ; l’intelligence [active] de l’homme est en elle comme des lumières inférieures sont contenues dans une lumière supérieure dont, par influence, elles reçoivent formes et mouvements ; cette influence productrice de formes et de mouvements coule sans interruption depuis la Cause première, depuis l’Intelligence qui meut la première sphère ; celle-ci exerce une influence universelle qui est lumière absolument pure ci qui ne reçoit rien d’aucun autre être. »

Ailleurs[4], Albert nous montre comment de cette Intelligence première, qui est la forme du Monde, « descendent des formes qui deviennent d’autant plus matérielles et d’autant moins nobles qu’elles s’éloignent davantage » de leur Cause.

  1. Alberti magni 'De anima lib. III, tract. III, cap. XI.
  2. Alberti magni Metaphysica, lib. XI, tract. I, cap. IX.
  3. Alberti magni Metaphysica, lib. XI, tract. I, cap. IX.
  4. Alberti magni De Intellectu et intelligibili lib. II, cap. II.