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CHAPITRE V
SCOT ÉRIGÈNE ET AVICÉBRO

I
COMPARAISON ENTRE LA PHILOSOPHIE DE SALOMON BEN GABIROL ET CELLE DE JEAN SCOT ÉRIGÈNE. — L’ESSENCE UNIVERSELLE SELON SCOT ÉRIGÈNE ET LA SUBSTANCE UNIVERSELLE SUIVANT AVICÉBRON.


La théorie du désir mutuel qui ment la Matière et la Forme l’une vers l’autre a été visiblement empruntée par Salomon beu Gabirol à la Théologie d’Aristote ; on n’en saurait dire autant de la théorie qui, par la contemplation du Verbe créateur, la vient couronner ; cette nouvelle doctrine découle assurément d’une autre source, et cette source, cela va de soi, était chrétienne. Il est naturel alors de jeter un regard sur les métaphysiques à la fois néoplatoniciennes et chrétiennes qui ont précédé celle d’Avicébron et de noter soigneusement les analogies qu’elles peuvent présenter avec cette dernière.

Or, parmi les philosophies chrétiennes soumises à cet examen rapide, il en est une qui, tout aussitôt, attire l’attention par l’extrême ressemblance qu’elle présente avec la doctrine dit Philosophe juif ; c’est celle de Jean Scot Érigène.

La ressemblance entre les théories d’Avicébron et les théories de l’Érigène est d’autant plus saisissante qu’elle se marque surtout en ce par quoi Ibn Gabirol s’écarte le plus de ses précurseurs hellènes ou arabes ; c’est par les doctrines qui les séparent des antres Néo-platoniciens, parcelles qui semblent leur être plus particulières, que les deux philosophes se rapprochent.

Cette analogie, d’ailleurs, ne fait pas disparaître toute différence entre les propositions du philosophe de Charles le Chauve et les