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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

instantanée lui imprimät la Forme universelle, l’unit à cette Forme ; c’est le Verbe ou la Volonté qui à répandu la Forme sur la Matière et qui, par conséquent, leur a donné, à toutes deux, l’existence actuelle. C’est ainsi que la Volonté est la Vertu de Dieu : plus explicitement, pourrait-on dire qu’elle est la Force créatrice de Dieu.

« La Matière est stable[1] en la Science du Très-Haut, comme la Terre est stable au milieu du Ciel ; la Forme a été répandue sur elle comme la lumière du Soleil se répand dans l’air… ; c’est par un regard du Verbe que la Forme a été conférée à la Matière. »

« La Matière est créée par l’Essence[2], tandis que la Forme vient d’une propri de cette Essence, savoir de la Science et de l’Unité, bien que l’Essence ne soit douée d’aucune propriété qui lui soit extrinsèque. Là est la différence entre le Créateur et la créature ; le Créateur est ce que désigne essentiellement ce terme : une essence (essentia designata essentialiter), et la créature est en deux essences, la Matière et la Forme…

» En ce qui concerne l’Essence première et sainte, elle et sa Propriété sont, de toutes manières, une seule et même chose ; mais la Matière et la Forme sont distinctes ; c’est par elles, en effet, que commence l’action de l’Unité : elles sont ce qui vient, tout d’abord et immédiatement, à la suite de cette action. »

« La Matière[3] est produite par l’Essence première et la Forme vient de la Propriété de cette Essence.

» De l’Essence première, la Matière reçoit la Forme… par l’intermédiaire de la Volonté. Aussi dit-on que la Matière est comme le trône de l’Un, et que la Volonté, donatrice de la Forme, s’assied et se repose sur ce trône. »

« La création ressemble au verbe parlé par l’homme[4], Lorsque l’homme parle son verbe, sa forme et sa pensée s’impriment dans l’ouïe et dans l’intelligence de son auditeur. Selon cette comparaison, on dit que le Créateur sublime et saint a parlé son Verbe ; alors sa Pensée s’est imprimée dans l’essence de la Matière et la Matière a retenu cette pensée, c’est-à-dire que la Forme créée à imprimée et peinte en la Matière. »

« La Volonté est créatrice[5], comme l’écrivain ; la Forme est créée, comme l’écriture ; et la Matière leur est soumise, comme le papier l’est à l’écrivain et à l’écriture. »

  1. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. V, cap. 30, p. 313.
  2. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. V, cap, 42, p. 333.
  3. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. V, cap. 42, p. 335.
  4. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. V, cap. 43, p. 336.
  5. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, V, cap. 38, p. 326.