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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

commencement, mais non pas qu’il aurait une fin. C’est la foi seule, en effet, qui nous conduit à supposer une fin au mouvement, et ils n’avaient, pas la foi ; aussi est-il évident qu’ils n’ont pas compris la fin du mouvement ; mais ils lui ont supposé un commencement, car cela n’est pas seulement nécessaire selon la foi, mais selon les raisons philosophiques. Partant, c’est une erreur en Philosophie de ne point admettre un commencement dans le mouvement. mais ce n’est pas une erreur en Philosophie de n’y point admettre une flin. »

Si Bacon était seul à croire qu’Aristote n’avait pas soutenu l’éternité du Monde, il était, semble-t-il, de l’avis général, en prétendant que la Philosophie suffit à condamner cette éternité. Aussi entendra-t-on, dans l’Université de Paris, des murmures, et plus que des murmures, quand Albert le Grand et Thomas d’Aquin affirmeront cette proposition : La foi seule nous peut assurer que le Monde a eu commencement.


VII
LES MOTEURS DES CIEUX

Poursuivons notre lecture du manuscrit d’Amiens, afin de connaître ce qu’on enseignait à la Faculté des Arts, dès l’an 1250, touchant les problèmes qui, pendant cent ans, allaient agiter l’Université de Paris. Pour terminer notre revue, voyons ce que Bacon professait au sujet d’une théorie qui devait passionner tous les doctes, la théorie des intelligences qui meuvent les cieux.

Bacon traite, tout d’abord, de cette théorie, dans la série de questions qu’il a consacrées au XIe livre de la Métaphysique. Ces questions sont aussi celles où il a exposé le peu d’Astronomie qu’il savait à cette époque, en sorte que nous avons eu, autrefois[1], occasion de les énumérer et de les analyser.

Rien de plus simple que la théorie des moteurs célestes présentée par ces questions ; elle est tout entière résumée dans ce passage[2] :

« Il y a deux sortes de moteurs.

» Il y a, d’abord, un moteur commun et non approprié, qui commande à la révolution [diurne] ; c’est la Cause première. Si nous

  1. Voir : Seconde partie. Ch. V, § X ; t. III, pp. 267-274.
  2. Quæstiones citatæ, quæst. VI ; ms. cit., fol. 72, col. b.