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LES QUESTIONS DE BACON

et du Monde. Si donc les révolutions du Ciel n’avaient pas eu de commencement, en sorte qu’une infinité de révolutions eussent précédé l’instant présent, on ne leur pourrait ajouter une nouvelle révolution ; or nous voyons que cela est faux, car, chaque jour, une révolution et circulation nouvelle s’ajoute aux précédentes.

» De même, s’il n’y a pas eu de première révolution du Ciel, le nombre des révolutions accomplies jusqu’aujourd’hui est infini, et aussi le nombre des révolutions qui seront accomplies demain ; mais l’infini est égal à l’infini ; partant, le nombre des révolutions qui seront accomplies demain est égal au nombre des révolutions qui sont, aujourd’hui, accomplies, ce qui est absurde. Il est donc évident qu’il faut poser une première révolution.

» Nous devons dire, dès lors, qu’Aristote admet que la Cause première, et la Cause première seule, existe de toute éternité. Aussi, admettre que le Monde n’a pas eu de commencement, est-ce une erreur en Philosophie. Aristote n’admet pas que le mouvement soit éternel dans le passé, si ce n’est en vertu de la nature du temps. Il argumente, en effet, contre les philosophes au gré desquels le repos avait duré d’abord pendant un temps infini avant que le mouvement ne commençât ; c’est contre eux qu’il dresse ses raisonnements ; ces raisonnements, il est vrai, ne concluent pas valablement que le mouvement n’a pas eu de commencement, si l’on entend ces mots d’une manière absolue et tout simplement ; mais ils concluent bien suivant son intention ; ils prouvent que le mouvement n’est pas venu à l’existence dans le temps, attendu que le mouvement précède le temps ; on voit évidemment, par la récapitulation des arguments, qu’il parle du mouvement en le comparant au temps, que la seule perpétuité dont il parle est celle qui accompagne le temps ; ainsi veut-il fort justement que le temps soit perpétuel de la même façon que le mouvement.

» Nous savons maintenant que c’est une erreur d’admettre que le Monde ou le mouvement n’a pas eu de commencement ; nous savons aussi qu’Aristote ne l’a pas admis ; il suppose, nous le savons, que le mouvement a eu un commencement, mais qu’il n’a pas, cependant, commencé dans le temps. On demande alors si Aristote et les autres philosophes ont entendu que le mouvement aurait une fin. »

À cette nouvelle question, notre maître ès arts répond en ces termes :

« Les philosophes ont bien admis que le mouvement avait eu un