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CHAPITRE X
LES QUESTIONS DE MAÎTRE ROGER BACON

I
LA MATIÈRE


Entre la tradition de l’ancienne Scolastique latine, fidèle au Néo-platonisme de Saint Augustin, et l’influence des philosophies nouvellement révélées à la Chrétienté, il y aura longue lutte ; le principal théâtre de cette lutte sera l’Université de Paris. Il est donc de grand intérêt, pour l’historien, de savoir quelle fut, à l’égard du Péripatétisme gréco-arabe, la position prise par les maîtres de l’Université de Paris, avant que l’enseignement d’Albert le Grand n’eût grandement accru le renom « d’Aristote et de ceux qui l’ont suivi. »

La lecture des Questions sur la Physique et sur la Métaphysique d’Aristote, composées, vers 1250, par Roger Bacon, maître ès arts de la Faculté de Paris, et conservées par le célèbre manuscrit d’Amiens[1], nous donnera les renseignements que nous désirons. Ces Questions nous feront connaître l’attitude que Bacon et, sans doute, plusieurs maîtres de son temps gardaient au sujet de diverses thèses importantes. Nous serons mieux préparés, après cet examen, à comprendre jusqu’à quel point l’enseignement d’Albert le Grand et, surtout, celui de Saint Thomas d’Aquin, ont été des enseignements de novateurs.

La série de Questions sur la Métaphysique d’Aristote, que le manuscrit d’Amiens met après les Questions sur le XIe livre de ce même ouvrage, et la première série de Questions sur la Physique

  1. Pour la description de ce manuscrit, voir : Seconde partie, Ch. V, § V ; t. III, pp. 260-267.