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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

inférieure participe à la vertu divine, dans la mesure où sa nature le comporte, par l’intermédiaire de l’éclairement (illustratio) dérivé de la divine Bonté, que reçoivent les substances de même ordre placé au-dessus d’elles… ; elle la reçoit en manière d’influences intellectuelles… De même que toute existence découle de l’Existence divine, tout ce qui est intelligible découle de l’intelligence divine, tout ce qui est vivant de la Vie divine. De ces influences, la Lumière divine est, d’une façon intellectuelle (per modum intelligibilem), le principe, le milieu et la fin ; la disposition de toutes choses vient d’elle, elle se fait par elle, elle tend vers elle ».

Il n’y a rien, dans ce passage, qui n’exprime des idées très communes aux théologiens du Moyen Âge, aux lecteurs du Livre des causes et de la Hiérarchie céleste ; comparer à la lumière l’influence de Dieu sur les Intelligences créées, lui donner le nom de lumière était d’usage tellement courant qu’on ne saurait, dans l’emploi de cette métaphore par deux auteurs, reconnaître la moindre trace d’influence de l’un sur l’autre.

Ce qui est particulier au Liber de Intelligentiis, c’est, d’une part, l’affirmation que Dieu est lumière par essence ; c’est, d’autre part, 1’absence de toute ligne de démarcation entre la lumière émanée de Dieu et la lumière sensible, voire la déclaration, appuyée d’exemples, qu’une chose participe d’autant plus à l’être divin qu’elle possède plus de lumière sensible. Or, de ces thèses, nous ne trouvons pas trace dans l’Optique de Witelo.

Bien plutôt, c’est une analogie, mais mêlée d’une opposition, que l’ami de Guillaume de Moerbeke établit entre la lumière divine et la lumière sensible. Après avoir décrit la première dans les termes que nous venons de rapporter, il ajoute : « C’est, au contraire (vero), des influences corporelles que la lumière sensible est l’intermédiaire : aux corps supérieurs, doués d’une substance perpétuelle, qui ne sont en puissance de rien si ce n’est du lieu, elle assimile et réunit de merveilleuse façon les corps d’ici-bas, variables de forme en même temps que de lieu. En effet, la lumière des formes corporelles suprêmes est, par toute la nature, l’épanchement (diffusio) d’une forme corporelle : cet épanchement s’applique aux matières des corps inférieurs ; à ces corps caducs, elle imprime d’une façon qui les divise, les formes qu’elle a reçues des ouvriers divins et indivisibles et qu’elle a transportées avec elle ; en s’incorporant en même temps que ces formes, elle produit sans cesse de nouvelles formes, tant spécifiques qu’individuelles ;