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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

dans les parties de l’Univers ; ces effets sont décrits par les trois propositions suivantes.

» Dans l’ordre de l’Univers, en effet, toute substance qui possède plus de lumière qu’une autre est dite plus noble que cette dernière ; or, en toutes choses, la plus ou moins grande noblesse s’évalue par la plus ou moins grande proximité, par la participation plus ou moins complète à l’être (esse) de Dieu…

» Cette proposition…, d’ailleurs, est rendue manifeste par induction, si l’on considère les premiers corps et si on les compare les uns aux autres. L’eau, par exemple, possède plus de lumière que la terre ; aussi dit-on d’elle qu’elle est plus noble que la terre ; il y a plus de lumière dans l’air que dans l’eau, dans le feu que dans l’air, dans le cinquième corps que dans tous les autres corps ; aussi, parmi les corps, cette cinquième substance est-elle appelée la première et la plus noble…,

» Enfin cette même proposition se peut encore rendre manifeste à l’aide de la proposition suivante, car ce qui constitue la perfection de chaque chose, en tant qu’elle est partie de l’Univers, c’est la lumière ; or la noblesse d’une chose s’évalue d’après ce qui se trouve en elle d’excellent et de parfait.

» Je dis donc que la perfection des diverses choses que réunit l’ordre de l’Univers, c’est la lumière.

» En effet, les substances naturelles, les éléments par exemple, peuvent être considérées à deux points de vue.

» On peut, tout d’abord, les considérer comme des êtres naturels susceptibles de se transformer les uns dans les autres ; à ce point de vue, ce n’est point la lumière qui en constitue la perfection, mais les qualités contraires par lesquelles ils agissent les uns sur les autres et pâtissent les uns des autres.

» On peut ensuite les considérer comme des parties de l’Univers, qui prennent place dans l’ordre de cet Univers, et dont chacune reçoit l’influence de chacune des autres. De cette façon, c’est la lumière qui en constitue la perfection ; de cette façon, aussi, un élément est à l’autre comme une forme à l’égard d’une matière, comme un lieu à l’égard d’un corps logé. »

Les considérations indiquées à propos de cette dernière proposition font allusion à des théories fort débattues au milieu du xiiie siècle.

Maître Roger Bacon, par exemple, dans les Questions qu’il discutait à Paris vers l’an 1250, distinguait la nature particulière de chacun des éléments de la Nature universelle des corps ; la première résultait de la forme substantielle propre à chacun des corps