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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

pouvoir d’exercer une influence ; plus, au contraire, une chose possède de lumière, mieux aussi joue-t-elle ce rôle qui consiste à influer sur autrui. L’induction prouve qu’il en est de même pour tous les êtres.

» Les propriétés de la lumière, qui seront exposées dans les propositions suivantes, montrent la même vérité ; la lumière, en effet, a pour propriétés d’être simple et de se propager elle-même ; or tout ce qui est ainsi constitué est apte à répandre son être (esse) propre et à influer sur autrui. »

Les Néo-platoniciens se plaisaient souvent à comparer à la lumière cette influence, cet épanchement de bien qui découlait de la Cause suprême et des substances divines sur les êtres plus bas placés ; cette comparaison était devenue d’usage courant dans le Fons vitæ ; ce qui n’était encore que métaphore continuellement suivie dans la doctrine d’Avicébron se transforme en identité dans le Liber de Intelligentiis ; aussi paraît-il bien probable que cet écrit a suivi, puis dépassé, l’enseignement du Rabbin de Malaga.

Mais il est un autre enseignement dont la ressemblance se laisse ici percevoir ; c’est celui de Robert Grosse-Teste. Pour démontrer que la première Substance est lumière, l’auteur du Liber de Intelligentiis raisonne presque textuellement comme avait raisonné l’auteur du Tractatus de inchoatione formarum[1] pour établir que la première réforme corporelle est lumière ; il est permis, croyons-nous, dans la pensée que nous étudions, de reconnaître une sorte d’exagération de la doctrine proposée par l’Évêque de Lincoln.

Poursuivons l’examen de quelques-unes des propositions formulées et démontrées par le Liber de Intelligentiis.

« Autant une chose possède de lumière, dit-il[2], autant elle retient de l’être (esse) de Dieu…

» Après avoir montré que la première Substance est lumière, nous montrons maintenant que la participation à la lumière qui se trouve dans les autres substances est une participation à l’être divin ; c’est à cet effet que la proposition précédente est énoncée. Voici ce qui la rend manifeste : Si, comme nous l’avons fait voir, l’Être (ens) divin est lumière par essence, toute participation à la lumière est participation à l’être (esse) de Dieu.

» Cela se manifeste encore par les effets que la lumière produit

  1. Vide supra, pp. 356-357.
  2. Cl. Baeumker, Op. laud., pp. 9-10.