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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Ces thèses, il les prouve par les considérations que voici :

« Cela se peut manifester par l’autorité de Saint Augustin ; celui-ci, dans le second livre De Genesi ad litteram, dit[1] : Dieu n’est pas appelé lumière de la même façon qu’il est appelé agneau ; s’il est dit agneau, ce n’est pas au sens propre, mais par métaphore ; au contraire, s’il est nommé lumière, c’est proprement, et non par métaphore. »

» On le peut encore manifester de la manière suivante : La première substance a une nature unique dont les choses participent plus ou moins suivant quelles sont plus rapprochées ou plus éloignées ; cette nature, c’est ce qui, dans les choses, est noble et divin au plus liant degré. Or, ce qui, dans les choses sensibles de ce monde, possède le plus haut degré de noblesse c’est la lumière ; mais en vertu de ce principe : « Les propriétés invisibles de Dieu sont, par les créatures, rendues visibles aux yeux de l’intelligence. » Nous tirons de là, touchant la première Substance, la même conclusion que précédemment, savoir qu’elle est la lumière.

» Cette vérité, d’ailleurs, va devenir plus claire et plus manifeste par les propositions suivantes, qui énoncent les propriétés de la lumière. »

De ces propositions, voici quelle est la première[2] :

« Toute substance qui exerce quelque influence sur une autre substance ou bien est lumière dans son essence même, ou bien possède la nature de la lumière…

» Par cette proposition, la précédente se trouve prouvée. En effet, si la première Substance déverse son influence en toutes les autres ; si, d’autre part, toute substance qui influe sur une autre substance est lumière dans son essence ou bien possède la nature de la lumière, la première Substance sera lumière ; elle sera lumière par essence et ne sera pas appelée lumière en vertu d’une participation, car elle ne reçoit pas l’influence d’autrui.

» Que, d’ailleurs, toute substance qui influe sur une autre soit lumière ou ait la nature de la lumière, voici qui le rend manifeste ; Toute chose, telle la terre, qui manque de lumière est privée du

  1. M. Bäumker (loc. cit., en note) fait remarquer que la citation et la référence sont également inexactes. En vérité, Saint Augustin a écrit : « Le Christ n’est pas appelé lumière de la même façon qu’il est appelé pierre ; ce nom-là lui est donné proprement et celui-ci improprement. » (Sancti Aurelii Augustini De Genesi ad litteram, lib. IV, cap. XXVIII, art. 45 — Patrologia Latina, Accurante J. P. Migne, t. XXXIV, col. 315) L’auteur du Liber de Intelligentiis citait, en général, de mémoire, car nombre de ses citations sont affectées de semblables inexactitudes.
  2. C. Baeumker, Op. laud., pp. 8-9.