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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

Dans cette définition des mots : exister en puissance, nous ne trouvons vraiment plus rien de la signification si particulière que leur attribuait Aristote et dont dépendait le Péripatétisme tout entier. Bien souvent, lorsque la Scolastique chrétienne se trouvera aux prises avec la Métaphysique péripatéticienne, en particulier lorsqu’elle disputera, contre celle-ci, de la création du Monde, elle rejettera la définition de l’existence en puissance donnée par le Philosophe pour prendre celle de l’Évêque de Lincoln.

Robert Grosse-Teste connaît et cite l’œuvre d’Aristote ; mais il est visible que sa pensée ne s’est pas imprégnée de la pensée péripatéticienne ; comme ses prédécesseurs, comme un Gilbert de la Porrée, il a nourri sa raison de la Métaphysique augustinienne.

C’est cette Métaphysique qui le dirige dans la solution du problème des universaux.


D. Le problème des universaux.


À ce problème des universaux, il a consacré une page bien digne d’attention ; elle se rencontre dans un ouvrage auquel tout le Moyen Âge devait reconnaître une très grande autorité ; nous voulons parler du commentaire aux Seconds Analytiques d’Aristote.

Aristote vient de déclarer que toute démonstration scientifique est nécessairement tirée de prémisses universelles et nécessaires ; il poursuit en ces termes[1] : « Si les propositions qui constituent ce syllogisme sont universelles, il est bien clair que la conclusion d’une démonstration de ce genre sera, elle aussi, éternelle. Des choses périssables, donc, il n’y a pas de démonstration, il n’y a pas de science absolue ; il y a seulement une sorte de science par accident, qui n’est pas une connaissance de l’universel, mais seulement une connaissance de ce qui arrive en de certains moments et dans certaines circonstances.

Cette dernière proposition : « Οὐκ ἔστιν ἄρα ἀπόδειξις τῶν φθαρτῶν οὐδ' ἐπιστήμη, ἁπλῶς ἀλλ’ οὕτως ὥσπερ κατὰ συμβεβηκός, ὅτι οὐ καθόλου αὐτοῦ ἐστὶν ἀλλὰ ποτὲ καὶ πῶς, » cette proposition, disons-nous, suggère à Robert Grosse-Teste les réflexions que voici[2] :

  1. Aristotelis Analytica posteriora, lib. I, cap. VIII (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. I, p. 129 ; éd. Bekker, t. I, p. 75, col. b).
  2. Aristo. Posteriorum libri qui modo concisi mendosique videbantur, ita nuperrime ad integritatem pristinam revocati, ut Aristotelicam illam maiestatem, quasi postliminio restitutam, et facile obtineant et undique pre se ferant : Adsunt interpretes fidelissimi Lynconiensis, atque Burleus, per consummatissimum Doct. Pamphilum Montium Bononiensem, Theoricam medicine profitentem, omnibus mendis expurgati. His adiecimus glossemata ab eodem in marginibus