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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

est un… En effet, comme nous l’avons vu, la Cause exemplaire est, dans son essence, même chose que la Cause efficiente ; s’il y avait plusieurs exemplaires, il faudrait que chacun d’eux fût, dans son essence, même chose que la Cause efficiente ; plusieurs choses seraient donc, par essence, identiques à la Cause efficiente et, cependant, chacune de ces choses différerait de chacune des autres ; mais c’est impossible en vertu de la simplicité de la Cause efficiente ; il n’y a donc pas plusieurs causes exemplaires. »

Comment se fait-il, alors, que nous puissions parler des idées des choses créées comme si ces idées étaient multiples et distinctes les unes des autres ?

« Lorsqu’on parle[1] d’idées multiples, c’est par suite d’une certaine ressemblance qu’ont les images diverses avec le modèle [unique] ; c’est aussi par l’effet d’une sorte d’appropriation à la façon dont nous parlons des modèles et des images quand il s’agit des œuvres de l’art humain ; mais il n’en est pas tout à fait de même ici ; si les idées peuvent être dites multiples, c’est [en les considérant] du côté par lequel elles regardent les choses créées à leur ressemblance (ideata). »

Le Platonisme chrétien de Saint Augustin fournit au Mineur de Hales, comme il le fournissait à Jean Scot et à Guillaume d’Auvergne, la solution du problème des universaux.


L. L’accord de Scot Érigène, de Saint Anselme, de Guillaume d’Auvergne et d’Alexandre de Hales au sujet des idées.


De l’accord qui unissait, à ce sujet, ces deux théologiens, nous avons, d’ailleurs, un témoignage formel.

En 1210, Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, réunit en un conseil tous les maîtres présents à Paris pour examiner quelques erreurs propagées, à ce moment, par divers écrits. Parmi les propositions condamnées, le 13 janvier 1241, par cette Assemblée et frappées d’anathème par l’évêque qui la présidait[2], se trouve celle-ci :

« Beaucoup de vérités ont existé de toute éternité qui ne sont pas Dieu même. Multæ veritates fuerunt ab æterno, quæ non sunt ipse Deus. »

Cette condamnation défendait qu’on enseignât une théorie telle que celle-ci : De toute éternité, il existe une essence de l’homme, une essence de l’animal ; ces essences ne sont pas Dieu ; et de ces

  1. Alexandre de Hales, loc. cit.
  2. Renifle et Chatelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, pièce no 128, t. I, pp. 170-172.