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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

semble-t-il, que c’est un composé de matière et de forme. Si certaines personnes pensaient que cette intelligence est une forme qui existe par elle-même, sans matière, elle aurait cependant cette composition que constitue ce qu’elle est (quod est) et ce par quoi elle est (quo est) ; en sorte que, de toute manière, il la faut déclarer composée d’un certain genre de composition. »

« L’âme humaine[1], elle aussi, est composée de matière intellectuelle et de forme intellectuelle.

» De l’avis de certains », — c’est Albert le Grand qui est ici désigné — « la seule composition de l’âme proviendrait de ce qu’elle n’existe pas par elle-même, de ce que, par son existence, elle dépend de Dieu ; en elle, donc, on peut distinguer ce qu’elle est et ce par quoi elle est. Mais ce n’est pas de cette différence qu’il est ici question. De cette manière, en effet, les formes mêmes qui sont créées en la matière sont composées ; nous, nous parlons de la composition formée par la matière et la forme, de celle dont on dit que la forme de la matière ne peut subsister par elle-même, mais seulement en la matière. »

L’âme n’est donc pas simplement une forme, la forme du corps. « La forme n’a pas d’autre existence actuelle que celle qu’elle a comme forme d’une certaine matière, mais l’âme, outre qu’elle est âme, possède une certaine vertu par laquelle on peut dire qu’elle a une composition propre ; à cette composition correspond dent les facultés d’agir et de pâtir ; et cela est vrai même lorsqu’elle est séparée [du corps]. »

Quelles sont ces deux facultés d’agir et de pâtir qui composent l’âme, même séparée du corps, et qui en sont la forme intellectuelle et la matière intellectuelle ? Alexandre nous le rappelle à deux reprises, au cours du passage que nous analysons ; ce sont l’intelligence active et l’intelligence en puissance. D’ailleurs, il nous a déclaré déjà que ces deux intelligences, unies entre elles, étaient toutes deux séparables du corps ; elles sont donc bien la forme et la matière dont l’union fait de l’âme humaine, même en l’absence du corps, une substance complète. Alexandre attribue à chaque âme humaine la composition qu’Averroès avait attribuée à l’Intelligence spéculative une, éternelle et séparée du corps.

Les substances spirituelles, telles que les anges et l’âme humaine, sont composées de matière et de forme ; cette matière des substances spirituelles ne se distingue-t-elle pas de la matière corporelle ? « L’âme[2] n’a pas matière et forme de la même manière que

  1. Alexandri de Ales Op. laud., pars II, quæst. LXI, membrum I.
  2. Alexandri de Ales, loc. cit.