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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

fuerint, et ab omni errorum suspicione purgati. » Le pape alla[1] jusqu’à charger trois maîtres de l’Université de Paris, Guillaume d’Auxerre, Simon d’Authie et Étienne de Provins, d’accomplir ce travail de révision et de correction des livres d’Aristote et d’autres philosophes que le concile provincial avait interdits.

Sans doute, le projet de Grégoire IX était chimérique ; on ne corrige pas Aristote ; toutefois, le fait même que le pape ait pu concevoir un tel dessein est bien digne de remarque ; le souverain pontife avait reconnu, dans ces philosophies diverses apportées d’Espagne par les traducteurs, que les pensées utiles et fécondes se trouvaient abondamment mêlées aux idées malsaines ; il voulait que l’enseignement de l’Université de Paris en pût, sans danger, tirer profit. Il y avait, en la lettre de Grégoire IX aux trois maîtres parisiens, comme une invitation à rechercher, dans l’œuvre d’Aristote et de ses disciples arabes, tout ce qui pouvait renforcer la philosophie et la théologie chrétiennes ; cette invitation, on peut croire que les docteurs de l’Université ne se la liront pas répéter et qu’ils commencèrent dès lors à donner, en leur enseignement, quelque accueil au Péripatétisme grec et au Néoplatonisme musulman.


A. La composition et les sources de la Somme d’Alexandre de Hales.


L’étude de la Somme d’Alexandre de Hales nous permet de saisir, pour ainsi dire sur le fait, cette première pénétration, dans la doctrine de Paris, des Métaphysiques d’Aristote et d’Avicenne.

On connaît, sur cette Somme, le jugement sévère de Roger Bacon, jugement que nous avons rapporté jadis[2] ; l’étude des théories astronomiques qu’on rencontre en cet ouvrage nous a paru propre à corroborer l’opinion de Roger Bacon.

Il semble qu’on puisse, dans toute la Somme d’Alexandre de Hales, distinguer deux éléments, un fonds primitif et des additions plus récentes.

Le premier fonds paraît appartenir tout à fait à l’antique tradition de la Scolastique latine, telle qu’elle était avant d’avoir reçu le premier afflux de la Métaphysique gréco-arabe, telle qu’on la peut reconnaître dans les écrits d’Hugues ou de Richard de Saint-Victor. Les auteurs païens n’y sont presque jamais cités. Les

  1. Denifle et Chatelain, Op. laud., t. I, pp. 143-144.
  2. Voir : Seconde partie, Ch. VII, § II, t. III, pp. 399-400.