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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

courir. On peut dire enfin que c’est la nature même, résultat de l’union de la matière et de la forme, telle l’humanité. »

Ce dernier passage montre l’extrême embarras où se trouve Saint Thomas d’Aquin lorsqu’il tente ainsi de relier la Métaphysique d’Avicenne à la Métaphysique de Thémistius et de Boëce, Dire que le quo est, c’est la forme, ce serait adhérer à celle-ci. Si l’on veut admettre celle-là, que doit-on nommer quo est ? Est ce l’existence ? Thomas d’Aquin l’affirmait clairement il y a un instant : mais comme il veut encore, avec Thémistius et Boëce, que le quod est désigne le sujet concret qui a reçu cette existence, il ne sait comment nommer l’essence. Va-t-il donc identifier celle-ci au quo est ? Ce serait alors renoncer à la proposition qu’il a formulée dans son premier article.

Cet embarras disparaîtra dans la considération des substances non composées de matière et de forme. Ici, le docteur n’hésitera plus à déclarer que l’existence est le quo est et que l’essence est le hoc quod est, car l’essence s’identifie avec l’individu subsistant.

« Se trouve-t-il quelque quiddité qui ne soit pas composée de matière et de forme ? Ou bien cette quiddité est sa propre existence, ou bien non.

» Si cette quiddité est sa propre existence, elle sera l’essence de Dieu, qui est à elle-même sa propre existence, et elle sera absolument simple.

» Si, au contraire, elle n’est pas sa propre existence, il faut qu’elle tienne d’autrui l’existence qu’elle possède ; ainsi en est-il de toute quiddité créée. Mais comme cette quiddité, par hypothèse, ne subsiste pas en la matière, elle n’acquiert pas son existence dans quelque chose d’autre, comme il arrive aux quiddités composées de matière et de forme ; c’est en elle-même qu’elle acquiert l’existence ; ainsi, c’est la quiddité même qui sera le hoc quod est, et l’existence de cette quiddité sera le quo est.

» Tout être qui ne possède pas une chose par lui-même, a seulement la possibilité (possibilis) l’égard de cette chose ; puis donc que cette quiddité tient son existence d’autrui, elle n’a que la possibilité (possibilis) à l’égard de cette existence et à l’égard de l’être dont elle la tient, être dans laquelle ne se rencontre aucune puissance (potentia). Ainsi, dans une telle quiddité, on trouvera puissance et acte, en tant que la quiddité est simplement possible et que l’existence en est l’acte.

» C’est de cette manière que je conçois, dans un ange, la composition de puissance et d’acte, de quo est et de quod est ; et semblablement dans une âme. L’ange ou l’âme peut donc être appelé