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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

stence actuelle (factum essendi). C’est pourquoi Boëce dit que l’être n’existe pas encore (ipsum esse nondum est) ; ce n’est pas à l’être, en effet, qu’on attribue l’existence, connue s’il était le support de l’acte d’exister (subjectum essendi) ; mais après que la chose existante a reçu la forme qui fait être, c’est-à-dire la forme par laquelle elle acquiert l’existence actuelle, cette chose existe, elle est consistante, c’est-à-dire qu’elle subsiste par elle-même (Sed id quod est, accepta essendi forma, scilicet suscipiendi ipsum actum essendi, est atque consistit, id est in seipso subsistit). Chose qui existe, en effet, ne se dit, proprement et par soi, que d’une substance dont c’est le propre de subsister. »

Nous voyons ici l’être (esse) identifié à la forme qui fait exister, à celle qui constitue une substance, dsnc à la forme substantielle. C’est bien concevoir l’opposition entre l’esse et le id quod est comme la concevait Boëce, à la suite de Thémistius.

La pensée de Saint Thomas va continuer à s’inspirer de ces auteurs ; suivons-la :

« Bien que cette expression : une chose qui existe (id quod est sive ens) soit extrêmement générale, on l’emploie cependant dans un sens concret ; la chose qui existe ne participe donc pas à l’être (esse), à la façon dont le plus général participe du moins général ; elle participe à l’être (esse) à la façon dont le concret participe de l’abstrait…

» Si l’on considère d’une manière abstraite un concept quelconque, il est vrai qu’il n’a, en lui, rien qui soit étranger à son essence (essentia) ; ainsi en est-il pour l’humanité ou la blancheur… Il en est autrement des concepts entendus au sens concret ; un homme désigne alors quelque chose qui possède l’humanité et un objet blanc quelque chose qui possède la blancheur. Mais de ce que telle chose possède l’humanité ou la blancheur, il ne lui est pas défendu de posséder autre chose qui n’ait point trait à la définition (ratio) de l’humanité ou de la blancheur… Puis donc, comme nous l’avons dit, que l’être (esse) est entendu au sens abstrait tandis que la chose qui existe (id quod est) est entendue au sens concret, Boëce affirme une vérité en disant : La chose qui existe (id quod est) peut posséder quelque chose en sus de ce qui constitue son être (præterquam quod ipsum est), c’est-à-dire en sus de son essence (essentia) mais l’être (esse) n’a rien qui soit mêlé à son essence. »

Dans la chose qui existe et qui, nous l’avons vu, est une substance, ce qui peut s’ajouter à l’essence (essentia), c’est-à-dire à la forme substantielle qui confère l’existence, c’est l’accident, con-