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AVICÉBRON

rituelle, unies à l’essence de l’Intelligence. Il faut, dès lors, que la forme de l’Intelligence suit une forme douée d’unité, une forme qui, dans sa propre unité, relie et unit entre elles toutes les formes. »

« La forme de l’Intelligence[1] est donc la forme de toute chose, et les formes de toutes les choses sont la forme de l’Intelligence… La forme de l’Intelligence est ce qu’il y a d’universel en toutes les formes, car toutes les formes sont en elles… Mais les formes des choses subsistent (dans l’Intelligence) d’une existence qui est simple, tandis que l’existence par laquelle elles subsistent en elles-mêmes est une existence composée. »

Cette forme de l’Intelligence, c’est donc la Forme universelle dont Ibn Gabirol avait déjà reconnu l’existence et qu’il avait identifiée aux neuf catégories.

Cette Forme universelle constitue l’essence universelle de toutes les espèces ; dans l’Intelligence, toutes les espèces, aussi bien celles des substances simples que celles des substances composées, se trouvent réunies[2]. Contenues dans la forme universelle qui est celle de l’Intelligence, toutes ces formes sont, selon ce qui a été expliqué, imprimées en la matière par l’action immédiate ou médiate de l’Intelligence. Cette Intelligence est donc « l’unité qui est commune à toutes choses et qui est en toutes choses ».

« Toutes les formes[3] se réunissent ainsi dans une forme unique qui est la Forme première.

» Cependant, je vois que les formes des corps sensibles diffèrent des formes des substances intelligibles ; je vois également que les formes des substances intelligibles diffèrent entre elles ; je vois que certaines formes adhèrent à la matière au point de n’en pouvoir être séparées, tandis que d’autres en peuvent être séparées. Comment donc pourrai-je dire que toutes ces formes n’en forment qu’une, alors que je les vois différentes et séparées les unes des autres ? »

À cette question de son disciple, Avicébron répond en affirmant que, dans l’Intelligence, toutes les formes n’en font qu’une, et que « toute diversité, toute division qui se rencontre parmi les formes provient non pas de la forme considérée en elle-même, mais de la matière qui sert de support aux formes ».

De l’Unité première, pure et indivisible, qui agit par elle-même, c’est-à-dire de Dieu, découle une seconde unité : cette seconde unité, c’est la Forme universelle, car « la Forme universelle est

  1. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, V, cap. 14. p. 283.
  2. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. IV, cap. 13. p. 240.
  3. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. IV, 14. pp. 240-243.