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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

partie de cette Philosophie sapientiale (c’est le De Universo que Guillaume désigne), au chapitre : De necesse esse per se. De cet Être, il faut nécessairement déclarer qu’il est absolument simple de toute façon et que, ni d’une manière actuelle, ni par la raison, son esse n’est séparable de lui-même.

» Mais ou toute chose simplement contingente, en toute chose dont l’esse est nécessaire par un autre, l’esse est séparable de la chose, soit d’une manière actuelle, soit par l’intelligence ou la raison (Ab omni vero possibili et ab omni quod est necesse esse per aliud, est separabile uum esse, aut actu, aut intellectu sive ratione). Donc, en toute chose differente [du premier Principe], autre est l’être lui-même (ipsum ens), autre est son existence (esse seu entitas). Voilà ce que ce Sage a entendu par : Ceci et cela (hoc et hoc).

» Tout être (ens) autre [que le premier Principe] est donc, d’une certaine façon, composé ex eo quod est et ex eo quo est, sive esse suo, sive entitate sua.

» De même, [dans une chose blanche], il y a le blanc et le blanc, le sujet et la blancheur ; mais cette réunion de l’objet blanc et de la blancheur n’est pas une réunion proprement dite et au sens véritable du mot ; ce n’est pas une réunion qui ait pour effet la constitution d’une chose nouvelle ; par ce que je vous ai dit, en effet, il est manifeste que, de la substance et de l’accident, il ne se fait pas, il n’existe pas une chose nouvelle…

» Les paroles de ce Sage, touchant le hoc et hoc, ne vous doivent donc pas troubler ni vous contraindre d’admettre que toute substance, tant spirituelle que corporelle, est composée de matière et de forme. Il vous faut faire bien attention à l’exemple que je vous ai donné de l’objet blanc et de la blancheur ; il s’applique fort bien à ce dont il est question, c’est-à-dire à l’être créé et à l’existence (de ente creato et entitate) ; à toute chose, en effet, l’existence (esse site entitas) arrive à la façon d’un accident (accidit), advient en sus de sa substance complète, de sa raison (præter completam ejus substantiam et rationem) ; il n’y a d’exception que pour le premier Principe ; pour lui seul, l’existence est essentielle (essentiale), elle est une avec lui, de l’ultime unité. »

Guillaume d’Auvergne est un esprit clair ; nous pénétrons sa pensée jusqu’au fond.

Nous voyons, d’abord, qu’il établit une exacte équivalence entre l’axiome de Boëce :

Citra Primum quicquid est, est ex id quod est et esse.
et l’axiome d’Al Gazâli :